Covoiturage et véhicule de fonction ne font pas bon ménage.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Arrêt de la Cour d’Appel de RENNES du 31 août 2018, n° 17/05 660

 

Un salarié exerçant les fonctions de responsable production dépendant du statut cadre et responsable d’une agence, a été convoqué par lettre recommandée à un entretien en vue d’un éventuel licenciement fixé au 03 mars 2015, à l’issue duquel son licenciement lui a été notifié par un courrier du 11 mars 2015, l’employeur lui reprochant d’avoir effectué des prestations de covoiturage sur le site Blablacar avec son véhicule de fonction.

 

Le salarié a saisi le Conseil des Prud’hommes de NANTES pour voir son licenciement déclaré nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse.

 

Par un Jugement en date du 04 juillet 2016, le Conseil des Prud’hommes de NANTES a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société à payer diverses sommes indemnitaires au salarié.

 

L’employeur ayant interjeté appel de cette décision, celle-ci arrive par-devant la Cour d’Appel de RENNES laquelle, dans un Arrêt du 31 août 2018, examine le bienfondé du licenciement en examinant les pièces suivantes :

 

– Un procès-verbal de constat d’un Huissier de Justice établissant que le salarié avait publié 112 annonces depuis le 09 mai 2011, ainsi que la mention que les sommes seraient reversées à deux associations,

 

– Le règlement intérieur de la société du 29 juin 2012 contenant une page de règles concernant l’utilisation d’un véhicule de fonction et de rappel des règles de bonne conduite,

 

– Les conditions particulières du contrat d’assurance de la flotte automobile spécifiant que les véhicules sont assurés pour des déplacements privés ou professionnels, mais ne servent en aucun cas à des transports onéreux de marchandises ou de voyageurs, même à titre occasionnel,

 

– Les conditions générales du site Blablacar aux termes desquelles les membres s’engagent à n’utiliser le service que pour la mise en relation à titre non professionnel et non commercial de personnes souhaitant effectuer un trajet en commun, que le conducteur ne doit en aucun cas réaliser des bénéfices et qu’il doit vérifier que son assurance couvre toutes les personnes transportées, ainsi que les conséquences éventuelles des incidents pouvant survenir pendant le trajet.

 

La Cour constate également que si le salarié verse des reçus attestant de reversement à des associations pour des montants de 120 € en 2012, 170 € en 2013, 120 € en 2014 et 200 € en 2015, il n’en résulte pas moins que l’estimation des gains résultant des annonces passées s’élève à plusieurs milliers d’euros, de sorte que le salarié a nécessairement réalisé des bénéfices et qu’ayant utilisé un véhicule professionnel, il ne peut se retrancher derrière le caractère privé de cette activité.

 

La Cour relève, en outre, qu’il appartenait au salarié de tirer les conséquences du silence du règlement intérieur en sollicitant l’autorisation de son employeur lequel, à cette occasion, l’aurait informé que l’assurance ne couvrait pas les personnes transportées dans un tel cadre et par conséquent n’aurait pas accédé à sa demande, activité qui était, de toute façon, interdite par le site sur lequel il était inscrit, en raison de son caractère lucratif.

 

Par suite, énonçant que le fait, pour un responsable d’agence de pratiquer le covoiturage avec un véhicule de fonction à l’insu de son employeur en l’exposant à un risque, compte tenu de l’absence de couverture de cette activité par l’assureur, constitue une faute justifiant le licenciement, la Cour infirme la décision des Premiers Juges et dit le licenciement fondé.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

 

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