Conversion du redressement en liquidation judiciaire et résiliation du bail commercial

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com. 19/02/2013 n°12-13.662, FS-P+B

 

 

Dans l’espèce de l’Arrêt commenté, un bailleur a fait délivrer au liquidateur judiciaire de son preneur à bail un commandement visant la clause résolutoire pour non paiement des loyers échus depuis l’ouverture de la procédure collective dans un délai de trois mois plus un jour, à compter de l’ouverture de la procédure collective de son preneur à bail.

 

La particularité du dossier était que le débiteur avait bénéficié tout d’abord d’un redressement judiciaire, converti très rapidement, au bout de seulement un mois et demi, en liquidation judiciaire.

 

Le commandement de payer visant la clause résolutoire avait été délivré très exactement au terme de la période de trois mois courant à compter du jugement d’ouverture du redressement judiciaire (et non de la conversion). Le liquidateur a donc fait valoir que le bailleur n’avait pas respecté le délai de trois mois à compter de l’ouverture de la liquidation, ou plus exactement de la conversion en liquidation.

 

Telle était donc la question posée à la Cour de Cassation : en cas de conversion d’un redressement en liquidation, à partir de quand le délai incompressible de trois mois court-il ? A partir du jugement d’ouverture du redressement, ou à partir du jugement de conversion en liquidation ?  

 

La réponse semble, du seul point de vue de la logique, évidente : ce délai est un délai d’attente, imposé au bailleur pour permettre aux organes de la procédure ou au débiteur de régulariser la situation.

 

Il semble dans ces conditions normal que ce délai ne soit pas artificiellement prolongé par la conversion d’une procédure de redressement en liquidation.

 

S’il en était autrement, et dans une chronologie « idéale », un débiteur pourrait rester jusqu’à un maximum de six mois dans des locaux, sans en payer le prix, sans que le bailleur ne puisse rien faire.

 

Il semblait donc qu’il faille considérer que le délai de trois mois courait à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective, et que la conversion du redressement en liquidation devait être sans effet sur l’écoulement du délai.

 

Ce n’est pourtant pas ce qui ressortait de la lecture littérale du texte issu de la loi de sauvegarde.

 

En effet, l’article L641-12 du Code de Commerce dispose que :

 

« Le bailleur peut également demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas de l’article L. 622-14 ».

 

Par renvoi à l’alinéa 3 de cet article L622-14 :

 

« Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter dudit jugement. »

 

C’est donc bien le jugement d’ouverture de la liquidation, et non du redressement judiciaire postérieurement converti qui est visé par le texte.

 

La Cour de Cassation tranche le litige dans une formulation limpide :

 

« L’action en résiliation du bail pour défaut de paiement de loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, prévu à l’article L641-12, 3ème  du Code de Commerce, ne peut être engagée avant l’expiration d’un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture ; le point de départ de ce dernier est soit la date du jugement d’ouverture de la liquidation lorsque celle-ci est prononcée immédiatement, soit celle du jugement d’ouverture de sauvegarde ou de redressement judiciaire en cas de conversion de la procédure de liquidation judiciaire ».

 

La Cour corrige ainsi une malfaçon législative, et restaure l’esprit du texte.

 

Cette décision était attendue.

  

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

 

Partager cet article