Contrat de travail de l’associé d’une SARL : application de l’article L. 1224-1 du Code de Travail en cas de cession de l’entreprise.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass. Soc., 30 avril 2014, Arrêt n° 812 FS-P+B (n° 12-35.219).

 

Une salariée avait commencé sa carrière professionnelle le 1er janvier 1977 en travaillant en qualité de technico-commerciale chez son père qui exerçait alors en son nom personnel une entreprise d’imprimerie.

 

A la suite du décès du père, l’activité fut reprise par sa veuve, sous forme de SARL, créée en 1984.

 

La société fut placée le 07 janvier 2002 sous le régime du redressement judiciaire et le Tribunal autorisa la cession de l’activité au profit d’une société repreneuse, au sein de laquelle la salariée devint directrice de clientèle.

 

Après liquidation judiciaire de la société repreneuse en février 2004, le contrat de travail de la salariée fut transféré au sein d’une nouvelle société repreneuse dans laquelle elle exerçait des fonctions de cadre commercial.

 

Cette dernière société engagea, à l’égard de la salariée courant 2009, une procédure de licenciement pour motif économique et la salariée fut licenciée le 07 août 2009.

 

Contestant son licenciement par-devant le Conseil des Prud’hommes, elle réclama, notamment, un complément d’indemnité de licenciement, prétendant à une ancienneté de 32 ans et 8 mois, soit à compter du jour de son embauche par son père dans le cadre de l’entreprise familiale exercée en nom personnel.

 

La société, quant à elle, prétendait que la salariée n’avait qu’une ancienneté de 6 ans et 4 mois.

 

La Cour d’Appel de GRENOBLE, dans un Arrêt du 31 octobre 2012, va accueillir la demande la salariée, celle-ci ayant produit l’intégralité de ses bulletins de salaire depuis son embauche le 1er janvier 1977.

 

La Cour a considéré qu’il résultait de la production de ses bulletins de paie l’exercice d’un contrat de travail apparent de sorte qu’il revenait à la société de rapporter la preuve éventuellement du caractère fictif de ce contrat, ce qu’elle n’a pas fait.

 

Par suite, la Cour d’Appel a considéré que le contrat de travail initial a été transmis aux différentes sociétés ayant successivement acquis l’activité créée à l’origine et elle a estimé, en conséquence, que l’ancienneté de la salariée était bien de 32 ans et 8 mois à la date de la rupture de son contrat de travail.

 

Ensuite de cette décision, la société se pourvoit en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, arguant de la violation des dispositions des articles 1134 et 1315 du Code Civil, elle fait valoir :

 

       Que le contrat de travail repris par la société mentionnait un engagement de la salariée en qualité de directeur de clientèle, sans évoquer ni transfert d’un éventuel contrat de travail antérieur, ni reprise d’ancienneté ;

       Qu’il appartient au salarié qui revendique l’existence d’une relation de travail différente de celle résultant des mentions de son contrat de travail écrit d’en rapporter la preuve ;

       Que la production des bulletins de salaire était à elle seule insuffisante pour créer l’apparence d’un contrat de travail ;

       Que les différents bulletins de salaire délivrés entre 2003 et 2009 mentionnaient 7 calculs différents d’ancienneté, ce qui ne permettait pas de conférer à la salariée une ancienneté remontant à l’année 1977.

 

Mais la Haute Cour, dans l’Arrêt précité du 30 avril 2014 va rejeter cette argumentation.

 

Considérant tout d’abord que la qualité d’associé d’une société à responsabilité limitée n’est pas exclusive de celle de salarié.

 

Considérant ensuite qu’en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en remporter la preuve,

 

Considérant ensuite qu’en vertu de l’article 1224-1 du Code du Travail la cession de l’entreprise en redressement judiciaire arrêtée par le Tribunal de la Procédure Collective entraine de plein droit le transfert d’une entité économique et autonome conservant son identité et par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail des salariés attachés à l’entreprise cédée,

 

Et considérant enfin que la Cour d’Appel, pour retenir une ancienneté de 32 ans et 8 mois, avait relevé que la salariée avait produit l’intégralité de ses bulletins de paie de 1977 à 1984, période pendant laquelle elle travaillait pour le compte de l’entreprise familiale en nom personnel et que pour la période où elle était associée égalitaire de la société, les bulletins de paie mentionnait un emploi de photograveur,

 

De sorte que la Cour avait pu ainsi retenir l’existence d’un contrat de travail apparent liant la salariée à l’entreprise, en nom personnel puis en société, dont son dernier employeur n’établissait pas le caractère fictif, ce dont elle a exactement déduit que c’est par suite du transfert du contrat de travail et non d’une embauche que l’intéressée était devenue salariée de la société.

 

Par suite, la Cour de Cassation rejette le pourvoi de l’employeur.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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