Rupture conventionnelle : caractérisation de l’appréciation souveraine des Juges du fonds en matière de vice du consentement.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc 16 septembre 2015, Arrêt n° 1321 FS-P+B (n° 14-13.830).

 

Une société appliquant la convention collective de la métallurgie avait embauché un salarié par contrat à durée indéterminée à temps partiel le 16 avril 2008 en qualité de directeur industriel, statut cadre.

 

Le contrat de travail précisait que le salarié travaillait les mardi, mercredi et jeudi avec un total de 104 heures mensuelles.

 

Estimant que l’implication du salarié n’était pas suffisante, notamment en termes de temps travaillé, la société lui a proposé une rupture conventionnelle moyennant le versement d’une indemnité de 10 000 €.

 

Le 21 juillet 2010, le salarié était convoqué à un entretien fixé le 28 juillet 2010 pour finaliser cette rupture. Toutefois, aucune convention n’a été signée à cette date et concomitamment, le salarié recevait diverses lettres recommandées d’avertissement, dont une le 12 août 2010 le convoquant à un entretien préalable au licenciement pour faute grave fixé le 27 août 2010.

 

Le même jour, savoir le 12 août 2010, l’employeur et le salarié signaient une convention de rupture conventionnelle et c’est ainsi que la relation contractuelle prenait fin aux termes de cette convention le 21 septembre 2010.

 

Le salarié a ensuite saisi le Conseil des Prud’hommes de CHAMBERY à l’effet de faire juger qu’il avait signé la rupture conventionnelle sous la contrainte et sous la menace d’un licenciement pour faute grave, de sorte que cette rupture devait produire les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Sa demande va être accueillie par le Conseil des Prud’hommes.

 

Saisie de cette affaire, la Cour d’Appel de CHAMBERY, dans un Arrêt du 16 janvier 2014, va également accueillir les demandes du salarié, considérant qu’à la date du 12 août 2010, celui-ci n’avait d’autre alternative que de quitter l’entreprise ou d’être licencié et que le fait que la direction de la société ait choisi d’abandonner la procédure de licenciement au profit d’une rupture négociée ne permettait pas cependant de dire que le salarié était, de son côté, libre de son choix, la décision de quitter l’entreprise qui était inéluctable lui étant alors imposée par l’employeur. La Cour relève également que l’indemnité de rupture n’a été finalement que la moitié de celle qui était prévue dans le cadre des pourparlers initiaux concernant les conditions de la rupture.

 

Par suite, la Cour d’Appel considère, en l’absence de libre choix du salarié au regard des pressions exercées par son employeur, que compte tenu du vice affectant le consentement du salarié, la convention de rupture conventionnelle est nulle et de nul effet, de sorte qu’elle doit produire les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Par ailleurs, la Cour d’Appel rejette également les prétentions de l’entreprise visant à faire reconnaître la qualité de cadre dirigeant du salarié afin d’échapper aux dispositions légales sur la durée du travail.

 

Ensuite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, il reproche à l’Arrêt d’Appel d’avoir invalidé l’accord de rupture conventionnelle du 12 août 2010, considérant que le seul exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire, créant un climat conflictuel avant la signature d’une rupture amiable, n’affecte pas en lui-même la validité de la convention de rupture conventionnelle conclue par les parties, et que le consentement du salarié d’opter pour une rupture conventionnelle ne se trouvait vicié que s’il est établi que l’employeur avait usé de son pouvoir disciplinaire pour inciter le salarié à faire le choix d’une rupture amiable. Il considère que l’Arrêt d’Appel qui à aucun moment n’avait constaté l’exercice abusif par l’employeur de son pouvoir disciplinaire ou l’existence de manœuvres ou menaces pour inciter le salarié à choisir une rupture amiable, a privé de base légale sa décision.

 

Mais la Haute Cour ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation, considérant que le grief à l’encontre de l’Arrêt d’Appel ne tend, en réalité, qu’à contester l’appréciation souveraine par la Cour d’Appel de l’existence d’un vice du consentement.

 

Il en est de même des griefs à l’encontre de l’Arrêt d’Appel concernant la qualité de cadre dirigeant du salarié.

 

Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi Avocats

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