Contrat de travail consenti à un administrateur de SA : quelles conséquences lorsque la nullité est découverte 16 ans plus tard ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cour d’Appel de NANCY 2ème Chambre Commerciale – Arrêt du 15 mai 2013, n° 12/01667.

  

Dans cette espèce, l’administrateur, fondateur d’une société anonyme, s’était fait consentir postérieurement à la constitution de la société un contrat de travail pour des fonctions techniques ressortant de la catégorie agent de maîtrise, pour lequel il avait été rémunéré pendant presque 16 ans.

 

Ayant été révoqué de son mandat d’administrateur en application d’une décision de l’Assemblée Générale de la société du 11 mars 2011, à laquelle il avait participé et voté avec celle-ci pour la fin de son mandat, il fut informé, dès le lendemain, de la rupture de son contrat de travail, le directeur général lui faisant savoir par un courrier qu’en qualité d’administrateur il ne pouvait cumuler cette fonction avec celle de salarié et que par suite le contrat de travail, conclu en 1994, était entaché d’une nullité absolue.

 

C’est ainsi que l’intéressé fut sommé de quitter immédiatement la société.

 

Par suite, l’administrateur révoqué assignait la société en réparation du préjudice résultant de la révocation de son mandat d’administrateur qu’il jugeait brutale, vexatoire et sans juste motif.

 

Ayant été débouté par un Jugement du Tribunal de Commerce d’EPINAL en date du 17 avril 2012, l’administrateur révoqué interjeta appel de ce Jugement indiquant que la société avait utilisé la nullité du contrat de travail pour l’évincer de la société en commettant ainsi un abus de droit.

 

De son côté, la société rappelait qu’un administrateur en fonction ne pouvait obtenir un contrat de travail en cours de mandat, de sorte que ledit contrat de travail était nul en vertu des dispositions de l’article L 225-44 du Code de Commerce, rappelant en outre que les administrateurs peuvent être révoqués “ad nutum”.

 

Mais la Cour d’Appel de NANCY, dans l’Arrêt précité du 15 mai 2013, ne va pas suivre la société dans son argumentation et, considérant qu’il n’avait pas été établi que l’Administrateur avait connaissance que la fin de son mandat d’administrateur aurait pour conséquence la rupture de son contrat de travail, que si la nullité du contrat de travail était encourue, il était néanmoins établi que cette situation s’était prolongée pendant presque 16 années, de sorte que la nullité du contrat de travail ayant été acceptée par la société pendant une aussi longue période, la fin du mandat d’administrateur n’entrainait par elle-même aucune conséquence sur le contrat de travail de l’administrateur révoqué.

 

La Cour considère donc qu’en laissant croire à l’administrateur que son contrat de travail pouvait perdurer après l’expiration de son mandat d’administrateur, la société a manqué à son obligation d’information à l’égard de l’intéressé.

 

Elle rappelle que si l’administrateur est révocable ad nutum, c’est-à-dire à tout moment et de manière discrétionnaire, sauf révocation abusive, encore faut-il que les conséquences de cette révocation ne dépasse pas la perte du mandat social.

 

Elle retient donc qu’en l’espèce, la perte de son activité au sein de la société est une conséquence dont l’administrateur devait être informé et qu’en l’absence de cette information, l’administrateur est fondé à considérer cette perte d’activité comme abusive, de sorte qu’il en résulte un préjudice moral qu’il y a lieu d’indemniser, l’intéressé ne pouvant en outre ne se plaindre d’aucune perte financière, son contrat de travail étant nul et de nullité absolue.

 

Par suite, la Cour d’Appel infirme le Jugement du Tribunal de Commerce d’EPINAL et condamne la société à réparer le préjudice moral de l’administrateur révoqué en conséquence de la rupture du contrat de travail entaché de nullité.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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