SOURCE : 3ème civ, 8 octobre 2015, n°14-18881, FS – P+B
En cours de procédure tendant à obtenir le constat de la résiliation du bail, un bailleur signifie un congé refus de renouvellement avec offre d’indemnité d’éviction à effet au 1er octobre 2010 à son preneur qui dispose, conformément à l’article L145-60 du Code de commerce, d’un délai de 2 ans pour le contester.
Par un jugement du 18 avril 2012, le Tribunal de Grande Instance de Bobigny prononce la résiliation du bail, conduisant le preneur à interjeter appel dudit jugement. Par des conclusions du 10 octobre, le bailleur sollicite la confirmation du jugement querellé, y ajoutant subsidiairement une demande de validation du congé.
Désigné par jugement du 19 septembre 2012 prononçant le redressement judiciaire du preneur, converti par la suite en liquidation, le mandataire-liquidateur en conteste le 23 janvier 2013 la validité.
Pour dire recevable cette contestation du congé malgré la prescription biennale, la Cour d’appel de Paris, par une décision du 9 avril 2014 (Pole 5 CH3 RG 12/08679) a relevé que « l’action en contestation du congé a été interrompue et non suspendue par l’effet du jugement plaçant la société en redressement judiciaire le 19 septembre 2012 jusqu’à la reprise d’instance le 20 décembre 2012 en application de l’article 370 du code de procédure civile ; à la date de l’interruption, l’action en contestation du congé n’était pas prescrite ; un délai de deux ans a donc recommencé à courir le 20 décembre 2012 de sorte qu’à la date de la contestation par le mandataire soit le 23 janvier 2013, l’action en contestation du congé n’était pas prescrite ».
Il résulte en effet de l’article 370 du CPC que « (…) l’instance est interrompue par (…) la perte par une partie de la capacité d’ester en justice », ce qui est le cas du dessaisissement du débiteur par l’effet de la liquidation judiciaire.
Le moyen ne manquait pas d’intérêt, tant l’amalgame entre les procédures de résiliation et de contestation du congé est tentant, ce qu’illustre la publication au bulletin de l’arrêt de la Cour de cassation, censurant cette position :
« Qu’en statuant ainsi, alors que le jugement de redressement judiciaire n’a d’effet interruptif que sur une instance déjà engagée et que le délai, dans lequel l’action en contestation de la validité d’un congé sans offre de renouvellement ni d’indemnité d’éviction peut être exercée par le locataire, n’est pas suspendu par son placement en redressement ou liquidation judiciaire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »
En d’autres termes, selon la Cour de cassation, si l’instance relative à la résiliation du bail a été interrompue par l’effet de la procédure collective du débiteur, cette interruption ne s’étend pas à la contestation du congé refusant le renouvellement sans qu’une telle contestation n’ait été introduite dans un acte de procédure (conclusions ou assignation).
S’il est de jurisprudence constante qu’il n’y a pas d’autorité de chose jugée entre une décision statuant sur une demande de résiliation de bail et une décision statuant sur un refus de renouvellement, car l’objet de la demande n’est pas le même[1], la Cour de cassation va ici plus loin dans le raisonnement et distingue clairement les deux procédures, en considérant que la seconde n’est pas une extension de la première. Conséquemment, la contestation du congé, non introduite dans le délai biennal, fusse par des conclusions signifiées dans une autre procédure, ne profite pas de la suspension ou de l’interruption d’instance de cette autre procédure.
Il résulte de ce qui précède que le délai biennal écoulé, le débiteur liquidé ne peut plus contester les motifs du congé…il ne lui reste plus qu’à quitter les lieux.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] Com, 18 juin 1962, Bull civ III n°317 ; Com, 20 janvier 1965, Bull civ III n°59