Consentement de l’époux à l’acte de cautionnement du conjoint

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : Cass.com., 5 février 2013, n°11-18644, F – P+B

 

L’article 1415 du code civil prévoit que « chacun des époux ne peut engager ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage que ses biens propres ».

 

Par conséquent, lorsqu’un époux souscrit un emprunt professionnel ou se porte caution, il ne met pas en péril les biens de la communauté, quand bien même ces biens seraient-ils visés expressément par la convention signée par l’époux[1].

 

Les biens de la communauté ne peuvent entrer dans l’assiette du cautionnement qu’au titre d’une autorisation donnée par le conjoint de la caution, lequel, à la différence d’un cofidéjusseur, ne s’engage pas personnellement[2], mais avaliser l’engagement de l’époux, conformément à l’adage Qui auctor est non se obligat.

 

Ainsi, pour se conformer aux dispositions de l’article 1415 du Code civil, le créancier doit-il vérifier que le conjoint commun en biens ait exprimé son consentement, dès lors qu’une simple connaissance ne saurait valoir consentement[3]. Si un écrit conforme aux dispositions de l’article 1326 du Code civil n’est pas exigé pour caractériser le consentement du conjoint[4], son absence donne lieu à des difficultés, comme en l’espèce :

 

Deux époux se sont portés cautions solidaires d’un prêt consenti à une société. A défaut de règlement des échéances de l’emprunt, la banque a assigné les cautions sur l’intégralité de leur patrimoine, sur le fondement de l’article 1413 du Code civil.

 

Cependant pour les époux, leur patrimoine commun ne saurait être l’objet de la procédure, dès lors que l’établissement de crédit ne pouvait justifier du consentement exprès du conjoint. La jurisprudence considère en effet que le cautionnement d’une même dette souscrite séparément par deux époux n’engage pas la communauté en application de l’article 1415 du Code civil[5], et que le fait que les époux se soient engagés unilatéralement par acte séparés, même pour garantir une même dette, ne suffit pas à établir en tant que tel le consentement exprès de chacun d’eux à l’engagement de l’autre[6]. La Cour semblait prévoir a contrario que le cautionnement des époux dans le même acte et pour la même dette engageait l’ensemble du patrimoine commun.

 

Tel est le cas en l’espèce : les deux époux se sont portés chacun caution de la société dans une même convention.

 

La Cour d’appel de Rennes en a donc conclu que les époux se sont engagés en termes identiques sur le même acte de prêt en qualité de caution pour la garantie de la même dette ; en conséquence l’article 1415 Code civil n’a pas vocation à s’appliquer.

 

Saisie par les cautions, la Cour de cassation rejette le pourvoi : « Ayant ainsi fait ressortir qu’ils [les époux] s’étaient engagés simultanément, la Cour d’appel en a exactement déduit que l’article 1415 du Code civil n’avait pas vocation à s’appliquer ».

 

Toute décision inverse aurait inévitablement été censurée par la Haute juridiction

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats 



[1] 1ère civ, 29 mai 1996, n°94-16615, Publié au Bulletin

[2] 1ère civ, 2 juillet 1991, n°90-12747, Publié au Bulletin ; 1ère civ, 20 mai 2003, n°01-12436, Publié au Bulletin ; Question écrite AN n°115491 du 9 janvier 2007 (http://questions.assemblee-nationale.fr/q12/12-115491QE.htm)

[3] Sur la non prise en compte, en tant que tel, de la fiche de renseignement remplie par le conjoint lors de l’ouverture du dossier de prêt, Cf 1ère civ, 28 novembre 2006, n°04-19725, RJPF 2007-2/22, obs Frédéric VAUVILLE

[4] 1ère civ, 13 novembre 1996, n°94-12304, Publié au Bulletin

[5] 1ère civ, 9 février 1999, n°97-11873

[6] 1ère civ, 8 mars 2005, n°01-12734, Publié au Bulletin

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