Cession-déspécialisation pour cause de retraite et démembrement de propriété du fonds.

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 6 février 2013, n°11-24708, FS-P+B

 

Il résulte de l’article L145-51 du code de commerce, que le Preneur ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite et cessant son activité est en droit de céder son droit au bail à un cessionnaire, avec possibilité de déspécialisation, sous réserve d’avoir préalablement notifié son intention de céder au bailleur, en indiquant le prix proposé et la nature des activités envisagées.

 

Le bailleur dispose alors d’une priorité de rachat aux conditions ainsi fixées, pendant un délai de deux mois. Une réponse favorable du bailleur dans ce délai équivaut à l’acceptation d’une promesse unilatérale de cession, qui vaut cession.

 

C’est dans ce contexte qu’en l’espèce, un bailleur a accepté l’offre proposé par l’usufruitier du fonds de commerce, souhaitant bénéficier de ses droits à la retraite. Le bailleur regrettant son acceptation, a assigné l’usufruitier et les nus-propriétaires en nullité de la notification de l’offre formulée par l’usufruitier. Au soutient de ses prétentions, le bailleur affirme que l’usufruitier n’a pas les qualités de propriétaire du fonds de commerce. En d’autres termes, la demande de cession déspécialisation pour cause de départ à la retraite doit être notifiée par les nus-propriétaires.

 

Les juges du fonds de CHAMBERY donnent raison au bailleur :

« Attendu qu’en l’espèce Mme X… veuve Y… n’est pas locataire mais seulement usufruitière du droit au bail dont ses trois enfants sont nus propriétaires indivis, de sorte qu’elle ne fait pas partie des personnes visées par l’article L 145-51 ;
Que les indivisaires, n’ayant pas demandé le bénéfice de leurs droits à la retraite ou n’ayant pas été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité, ne rentrent pas non plus dans le cadre de ce texte ;

Que la circonstance que Mme X… veuve Y… ait pu demander le bénéfice de ses droits à la retraite est insuffisante pour lui permettre de se prévaloir des dispositions de l’article L 145-51 »

 

Les juges prononcent la nullité de l’acte de notification de l’usufruitier, en considérant que les dispositions de l’article L145-51 du Code de commerce ne peuvent pas être étendues à d’autres situations ou personnes que celles visées par le texte.

 

Cette interprétation des dispositions du texte n’est pas partagée par la Haute juridiction qui casse l’arrêt d’appel.

 

Pour la Cour de cassation, « l’article L. 145-51 du code de commerce bénéficie à l’usufruitier du droit au bail, immatriculé au registre du commerce et des sociétés pour le fonds qu’il exploite dans les lieux loués, s’il justifie de l’accord des nus-propriétaires pour la cession du bail. »

 

Cette position est logique, une décision inverse viderait le texte de toute efficacité dans le cadre du démembrement du droit de propriété du fonds. La Cour ajoute toutefois deux conditions à cette possibilité offerte à l’usufruitier :

 

– Une immatriculation, qui d’ailleurs est indispensable à l’usufruitier pour se prévaloir des dispositions du statut des baux commerciaux. Rappelons également qu’au terme d’une jurisprudence controversée[1], le nu-propriétaire de fonds de commerce, même non exploitant, doit justifier d’une immatriculation au RCS pour permettre l’application du statut des baux commerciaux.

 

– L’agrément des nus-propriétaires

 

Ces deux conditions étant remplies en l’espèce, l’usufruitier pouvait obtenir la cession déspécialisation du bail, de sorte que l’engagement du bailleur d’acquérir le droit au bail du preneur devra être honoré.

 

Il appartiendra dès lors à la Cour de renvoi d’apprécier les prétentions du « preneur » tendant à « déclarer parfaite depuis le 11/ 03/ 2009 la cession de droit au bail ou à tout le moins d’enjoindre sous astreinte au bailleur de procéder à la régularisation de l’acte de cession »

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 



[1] 3ème civ, 5 mars 2008, n°05-20200, Publié au Bulletin

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