SOURCE : CA AIX EN PROVENCE (8ème Chambre A), 09 avril 2015, n° 2015/163, RG n° 12/18396.
Un litige opposait deux sociétés dont l’une était le bailleur de l’autre.
C’est ainsi que la société preneuse assignait son bailleur afin d’obtenir l’indemnisation de préjudices subis du fait de graves désordres affectant les locaux donnés à bail.
De fait, par un Arrêt du 26 septembre 2006, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE condamnait le bailleur à payer à la liquidation judiciaire de la société preneuse une somme de 46 000,00 € de dommages et intérêts, cette décision étant confirmée par un Arrêt rendu par la Cour de Cassation le 11 décembre 2007.
Toutefois, en cours de procédure, les associés de la société bailleresse ont voté la dissolution de la société à compter du 31 décembre 2000 et ont désigné un liquidateur amiable qui fit ensuite procéder à l’approbation des comptes de liquidation par une Assemblée Générale Extraordinaire du 25 juillet 2001, ainsi qu’à la radiation du RCS au 23 novembre 2001, pour clôture des opérations de liquidation.
Cependant, le Liquidateur Judiciaire de la société preneuse faisait assigner le liquidateur amiable de la société bailleresse par acte du 17 février 2009, demandant le règlement de 47 500,00 € correspondant au montant des condamnations prononcées par la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE le 26 septembre 2006, reprochant au liquidateur amiable d’avoir procédé aux opérations de liquidation de la société en fraude des droits de la société preneuse, rendant impossible tout recouvrement de ladite créance.
Condamné en première instance, le liquidateur amiable interjette appel de cette décision, au motif que la société ne disposait plus d’actif propre lorsqu’avait été décidé sa dissolution, de sorte que celle-ci n’avait changé en rien sa situation économique, que la société bailleresse avait déclaré à la procédure collective de la société preneuse une créance de 63 838,00 € au titre des loyers impayés antérieurement à la liquidation judiciaire, de sorte que les créances respectives du bailleur et du preneur devaient faire l’objet d’une compensation laissant la société bailleresse créancière d’une somme de 16 338,00 € après compensation et qu’en outre, l’action en responsabilité à son égard était prescrite.
Examinant les moyens de faits et de droit portaient à sa connaissance, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, dans l’Arrêt précité du 09 avril 2015, va rendre les décisions suivantes :
– Sur la prescription, la Cour rappelle que l’action en responsabilité contre le liquidateur amiable d’une société dissoute se prescrit par 3 ans à compter du fait dommageable, ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation, ceci aux termes des articles L.237-12 et L.225-254 du Code de Commerce.
Elle précise qu’il résulte de ces textes que la prescription court à compter du jour où les droits de la victime du fait dommageable ont été reconnus par une décision passée en force de chose jugée au sens de l’article 500 du Code de Procédure Civile, date qu’elle fixe au 26 septembre 2006, date de l’Arrêt rendu par la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE à cette même date et non pas à la date de l’Arrêt de la Cour de Cassation du 11 décembre 2007.
En l’occurrence, la prescription n’était donc pas acquise au 17 février 2009, date de l’acte introductif de l’instance.
– Au fond, la Cour relève que le liquidateur amiable a commis une faute engageant sa responsabilité en présentant aux associés un rapport et un compte de clôture de liquidation sans égard à la procédure en cours.
Toutefois, la Cour relève que le liquidateur ne peut être condamné au paiement d’une indemnité équivalente au montant de la créance non recouvrable que s’il est démontré un lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et l’impossibilité de recouvrer la créance.
Or, en l’espèce, la Cour relève que le compte de liquidation de la société bailleresse ne mentionne aucun actif qui aurait permis de régler la créance due à la société preneuse, y compris dans le cadre d’une procédure collective, et que la société bailleresse avait, en outre, déclaré au passif de la liquidation judicaire de la société preneuse, une somme totale de 63 838,00 € au titre des loyers impayés, de sorte que la société bailleresse pouvait se prévaloir d’une compensation entre cette condamnation et sa créance de loyers, s’agissant de dettes connexes nées d’un même contrat.
Par suite, la Cour considère que le lien de causalité entre le manquement reproché au liquidateur de la société bailleresse et le non recouvrement de la créance de la société preneuse n’est pas établi.
Par suite, la Cour infirme le Jugement des Premiers Juges.
Il reste à savoir maintenant si la Cour de Cassation validera cette interprétation faite par la Cour d’Appel.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats