Condamnation de la SNCF à rembourser une aide d’Etat de plus de 642 millions d’euros

Harald MIQUET
Harald MIQUET

 

Source : CJUE 7 mars 2018 aff. C127/16

 

Par une première décision du 23 mai 2001, la Commission européenne avait jugé compatible avec le marché intérieur une aide de 503 millions d’euros destinée à la restructuration du groupe Sernam, filiale du groupe SNCF sous réserve du respect de deux conditions, à savoir :

 

– D’une part, le recentrage de Sernam sur ses activités d’acheminement ferroviaire et, d’autre part, le remplacement de ses activités d’acheminement par transport routier par le recours aux services d’entreprises indépendantes ;

 

– Alternativement, la décision Sernam prévoyait également la possibilité d’une cession des actifs en bloc de la société Sernam.

 

Il convient encore de préciser qu’un montant d’aide supplémentaire de 41 millions d’euros a été versé pour couvrir certaines pertes postérieures à l’adoption de la décision, la transaction n’ayant pas été autorisée par la Commission.

 

C’est en faveur de cette deuxième alternative que le groupe SNCF a décidé de recourir à un appel d’offres, déclaré infructueux.

 

Tirant les conséquences de cette impasse, la SNCF a pris la décision le 30 juin 2005 de conclure la vente avec Financière Sernam SAS qui était détenue à 100 % par l’équipe de direction de Sernam. Cette cession a été dans de tres brefs délais suivie d’une liquidation judiciaire à l’occasion de laquelle le montant de 41 millions d’euros correspondant à l’aide d’État devant être remboursée en vertu de la décision Sernam, a été inscrite au passif de la liquidation de Sernam.

 

Le tour de passe-passe n’a pas convaincu la Commission qui a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE qui a abouti à la décision du 16 juillet 2008, intitulée « Aides d’État – France – Aide d’État C 37/08 » reconnaissant le caractère d’aide d’état incompatibles avec le marché intérieur.

 

L’élévation du conflit devant la Cour de justice européenne confirme le jugement du Tribunal et écarte l’argument invoqué par la France de ce que le Tribunal n’aurait pas pris en compte la circonstance que la SNCF avait agi en opérateur privé agissant dans les conditions normales du marché :

 

En l’espèce la Cour estime que le grief fait par la France au Tribunal d’avoir exclu la prise en compte du critère de l’investisseur privé, n’est pas fondé puisque l’applicabilité́ de ce critère dépend du fait que l’État membre concerné agisse en sa qualité́ d’actionnaire, et non pas en sa qualité de puissance publique. Or, la Cour relève en l’espèce que :

 

« Le Tribunal a pu, à bon droit, considérer, aux points 307 et 308 de l’arrêt attaqué, que les mesures prévues à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 ne correspondaient pas aux conditions normales du marché et qu’ainsi, comme il l’a relevé au point 309 de cet arrêt, « la logique compensatoire de la vente des actifs en bloc de Sernam […] était différente de la logique d’un opérateur privé cherchant à maximiser ses profits ou, en l’occurrence, à minimiser ses pertes »

 

Il s’ensuit que le pourvoi est rejeté. Epilogue donc pour un recours de la SNCF contre un arrêt l’ayant condamnée à rembourser à la France une aide d’Etat de plus de 642 M€.

 

Harald MIQUET

Vivaldi avocats

 

 

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