La société TAITTINGER, maison de Champagne familiale de renommée internationale, est titulaire de la marque « TAITTINGER », déposée pour désigner notamment le champagne.
Virginie TAITTINGER, l’un des membres de la famille TAITTINGER qui avait effectué sa carrière au sein de la société TAITTINGER depuis 1986, a été licenciée le 21 décembre 2006. Souhaitant continuer à exercer la même activité, Madame Virginie TAITTINGER a déposé le 14 février 2008 la marque verbale « Virginie T. » pour désigner notamment le champagne et, pour la promotion de sa marque, a réservé le nom de domaine « virginie-t.com », hébergeant son site Internet vitrine, ainsi qu’assurant une redirection vers ce dernier, les noms de domaine « virginietaittinger.com », « virginietaittinger.fr » et « virginie-taittinger-champagne.com ».
Invoquant l’utilisation à titre commercial du nom « TAITTINGER » pour la vente et la promotion du champagne « Virginie T. » et la mise en œuvre d’une communication systématique autour du nom de la famille TAITTINGER, la société TAITTINGER a assigné Virginie TAITTINGER et sa société d’exploitation en contrefaçon de sa marque renommée « TAITTINGER ».
La société TAITTINGER invoque ainsi l’article L.713-5, alinéa 1, du Code de la propriété intellectuelle, lequel dispose que « la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement [a fortiori : également pour des produits et services similaires] engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ».
La Cour de justice de l’Union Européenne, dans l’arrêt Intel (CJCE, nov. 2008, aff. C-252/07) a mis en lumière un point qui avait été négligé jusqu’à présent, à savoir que le titulaire de la marque renommée doit démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque, soit, à défaut, l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur.
Reprenant à son compte cette jurisprudence européenne, la Cour de cassation (Com., 10 févr. 2009, Cohiba) avait par la suite rompu avec une pratique critiquable des tribunaux, qui consistait à se contenter de simples affirmations pour conclure à l’affaiblissement du caractère distinctif de la marque antérieure pour caractériser une faute commise par celui l’ayant copiée ou imitée.
En l’espèce, la Cour d’appel de Paris a donné raison à Virginie TAITTINGER en relevant que, même si un consommateur normalement avisé est conduit à établir un lien entre les usages de la marque reprochés à Virginie TAITTINGER et la marque « TAITTINGER », Virginie TAITTINGER ne tire cependant indûment aucun profit de la renommée de ladite marque, ni ne porte préjudice à sa valeur distinctive ou à sa renommée en rappelant son origine familiale et que son nom suffit à identifier son parcours professionnel ou son expérience passée, même agrémentés de photographies.
Saisie du pourvoi de cette décision, la Cour de cassation censure la décision au motif que « l’existence éventuelle d’un juste motif à l’usage du signe n’entre pas en compte dans l’appréciation du profit indûment tiré de la renommée de la marque, mais doit être appréciée séparément, une fois l’atteinte caractérisée ».
Ainsi, avant même de vérifier l’existence d’un juste motif, les juges auraient dû vérifier si des éléments caractérisaient l’exploitation et le profit indu, pour constater l’atteinte à la marque renommée.
Pour la première fois, la Haute juridiction relève que la notion de juste motif ne doit pas être considérée comme un élément de définition de l’atteinte portée à la marque renommée, mais doit fonctionner, une fois cette atteinte relevée, comme un fait justificatif et exonératoire du responsable.
Cette décision publiée au bulletin s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence précitée, en ce qu’elle tente d’imposer aux juges du fond de motiver en droit et en fait leurs décisions, ce qui doit se traduire par une meilleure caractérisation de la faute commise et des éventuelles causes d’exonération de responsabilité.
Virginie PERDRIEUX
Vivaldi-Avocats