Source : Cass. com., 18 mai 2016, n°14-19.622, FS-P+B
I. Les faits de l’espèce
En janvier 2012, une société est placée en liquidation judiciaire. En septembre 2012, une ordonnance du juge-commissaire a autorisé la vente de gré à gré d’un terrain appartenant à la société en liquidation.
Le liquidateur a notifié l’ordonnance au créancier hypothécaire, inscrit sur l’immeuble construit sur le terrain cédé. Désireux de s’opposer à l’opération, il a formé un recours contre la décision, devant la cour d’appel.
Ce recours est cependant déclaré irrecevable, la juridiction du second degré estimant que la notification de l’ordonnance du juge-commissaire au créancier hypothécaire, par le liquidateur, n’avait qu’une valeur informative. Le créancier hypothécaire ne faisant pas personnellement partie aux opérations de réalisation des actifs de la procédure collective, il ne pouvait prétendre qu’à la tierce opposition.
Le créancier hypothécaire soumet la décision à la censure de la Cour de cassation.
II. L’arrêt de cassation
La Cour de cassation, au visa de l’article R.642-37-1 du Code de commerce, a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, et rappelle que le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l’article L.642-18 du Code de commerce, c’est-à-dire les ordonnances statuant sur les ventes d’immeuble dans le cadre d’une liquidation judiciaire, est formé devant la cour d’appel.
En outre, elle précise que ce « recours est ouvert aux parties et aux personnes, dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions, dans les dix jours de leur communication ou notification ». Implicitement, la Cour régulatrice range désormais dans cette catégorie le créancier hypothécaire.
III. Pourquoi préférer l’appel à la tierce-opposition ?
Il faut ici se référer aux règles de procédure civile pour comprendre l’intérêt de la décision commentée.
La tierce-opposition a un pouvoir limité, car si le tribunal déclare la demande recevable et fondée, il ne peut modifier sa décision que sur les chefs de demande qui sont préjudiciables au requérant à la procédure de tierce opposition. De surcroît, la tierce opposition n’a pas d’effet suspensif, et, si au moment où le requérant forme cette voie de recours, le jugement est devenu définitif à l’égard des autres parties ou à l’égard de l’une ou l’autre d’entre elles, les modifications qui interviennent ne leur sont pas opposables.
En d’autres termes, la tierce-opposition a un effet binaire car, si elle est admise, la rétractation anéantit totalement l’ordonnance. Dans le cas contraire, elle conserve tous ses effets.
A l’inverse, l’appel a un effet dévolutif, tendant à la réformation totale de la décision critiquée, ou partielle si l’appelant a limité son recours à certains chefs de la décision attaquée. Celui-ci est en outre suspensif, et l’arrêt est opposable à toutes les parties concernées.
C’est une nouvelle illustration de la (trop ?) grande spécificité des voies de recours en matière de procédure collective.
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats