SOURCE : Soc, 28 janvier 2015, Arrêt n°129 F-D (n° 13-21.793).
Une salariée avait été engagée en qualité de secrétaire comptable – employée de bureau par contrat à durée indéterminée modulé annualisé dans une société familiale exerçant une activité de primeur, producteur et expéditeur de fruits et légumes.
La salariée a fait l’objet d’un avertissement par lettre recommandée avec accusé de réception le 1er octobre 2009 pour des erreurs de comptabilité, puis s’est trouvée en arrêt de travail continu à compter du 07 décembre 2009 pour un syndrome dépressif.
A l’occasion de la visite de reprise du 25 août 2010, elle fut déclarée inapte en une seule visite, donc pour danger immédiat, et a été licenciée pour inaptitude le 18 septembre 2010.
Elle va saisir le Conseil des Prud’hommes de LA ROCHELLE aux fins de dire que son inaptitude résultait du harcèlement moral dont elle avait été victime, demandant au Juge du fond d’en tirer toute conséquence de droit, notamment en matière indemnitaire, outre le paiement d’heures supplémentaires et d’heures de nuit.
Les Premiers Juges du fond vont accueillir l’ensemble des demandes de la salariée, prenant notamment acte que la société s’était engagée à régler les heures de nuit et les heures supplémentaires et congés payés y afférents avant la première audience.
Saisie du litige, la Cour d’Appel de POITIERS, quant à elle, dans un Arrêt du 29 mai 2013, va au contraire considérer que la salariée n’établit pas de fait permettant de présumer l’existence d’un harcèlement.
La Cour d’Appel va prendre cette décision en examinant l’ensemble des justificatifs fournis par l’employeur après avoir rappelé toutefois que la salariée sollicitait initialement le paiement d’heures de nuit et d’heures supplémentaires et des congés payés y afférents, et que l’employeur ayant admis le bien fondé de cette demande, sur laquelle le Conseil des Prud’hommes n’a pas eu à statuer, la salariée ayant été remplie de ces droits à ces titres.
Ensuite de cette décision, la salariée se pourvoit en Cassation.
Bien lui en prit, puisqu’au visa des articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du Travail, la Chambre Sociale relevant que pour débouter la salariée de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral et dire que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la Cour d’Appel, après avoir retenu certains des faits évoqués par la salariée, les estime justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, avant de conclure qu’appréciés dans leur ensemble, ils ne permettent pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral, et qu’en statuant ainsi sans examiner ni le fait que l’employeur n’avait pas versé à la salariée ses heures de nuit et ses heures supplémentaires et qu’il avait attendu la veille de l’audience de première instance pour s’en reconnaître débiteur, ni le fait que la salariée se prévalait de son état de santé qui avait conduit le médecin du travail à la déclarer, après plusieurs mois d’arrêt de travail pour dépression, inapte à tout poste dans l’entreprise selon la procédure de danger immédiat, en examinant les justifications apportées par l’employeur avant de rechercher si l’ensemble des faits qu’elle avait constatés était de nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement, la Cour d’Appel a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du Travail.
Par suite, la Cour casse et annule l’Arrêt d’appel, mais seulement en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral et des conséquences en découlant au regard du licenciement pour inaptitude prononcé par l’employeur.
En d’autres termes, la Cour d’Appel doit examiner si l’ensemble des faits soumis à son appréciation est susceptible de constituer un harcèlement moral avant d’examiner les justifications apportées par l’employeur. En procédant de manière contraire, la Cour d’Appel encourt la Cassation.
Arrêt intéressant au regard de la méthodologie que la Chambre Sociale impose aux Cours d’Appel d’appliquer dans le cadre de l’examen de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats