Caractérisation du harcèlement moral à l’égard d’un cadre supérieur.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc., 28 janvier 2015, Arrêt n°132 F-D (n° 13-26.255).

 

Un salarié avait été engagé par une société en qualité de Directeur des Opérations statut cadre supérieur le 09 juillet 2007.

 

Le 14 octobre 2009, il fut licencié pour faute grave constituée par un manquement à l’obligation de loyauté.

 

En réalité, son employeur lui reprochait d’avoir adressé à la société, par le canal de son Avocat, une lettre dénonçant des faits de harcèlement dont le salarié s’estimait victime.

 

S’estimant choquée par le procédé, la société considérait que l’envoi de ce courrier justifiait un licenciement immédiat pour faute grave.

 

Saisi du litige, le Conseil des Prud’hommes de BOBIGNY, par une décision du 08 juin 2011, va considérer le licenciement abusif et condamner l’employeur à payer diverses sommes au titre de dommages et intérêts, outre l’indemnité de préavis et l’indemnité de licenciement.

 

Saisie à son tour du litige, la Cour d’Appel de PARIS, dans un Arrêt du 12 septembre 2013, va considérer que l’ensemble des faits rapportés par le salarié traduit, sinon une marginalisation ou une mise à l’écart de fait, permettant de présumer, même en dehors de toute volonté de l’employeur, en raison de l’impact établi sur la santé du salarié, l’existence d’un harcèlement moral.

 

En outre, la Cour d’Appel relève également que le courrier du Conseil du salarié avait été transmis au Service des Ressources Humaines dans la plus grande discrétion, dans une volonté évidente de rapprochement, ou à tout le moins de recherches de sortie d’une situation caractéristique de harcèlement, finalement présentée de manière mesurée, laissant ouverte toute possibilité.

 

Par suite la Cour va considérer qu’en licenciant le salarié dans ces conditions pour faute grave, la société a eu une réaction à la fois prompte et excessive en l’absence d’élément de gravité et qu’il s’agissait d’une mesure manifestement disproportionnée, de sorte que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

 

Ensuite de cette décision, l’employeur se pourvoit en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, l’employeur fait grief à l’Arrêt de l’avoir condamné à payer des dommages et intérêts pour harcèlement moral, alors que :

 

       Pour considérer que le salarié avait été mis à l’écart du comité de direction, encore fallait-il prouver qu’il en faisait bien partie au préalable ;

 

       Que le harcèlement moral implique des agissements répétés qui ne peuvent être constitués par l’abandon de deux projets d’implantation et d’un modèle de   distribution ;

 

       Que la situation alléguée par le salarié résultait de l’exercice normal par l’employeur de son pouvoir de direction et d’organisation de l’entreprise.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation.

 

Relevant au contraire qu’appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la Cour d’Appel a pu retenir que le placement d’un cadre supérieur dans une situation d’isolement géographique et fonctionnelle, la privation des attributs de sa fonction telles que les missions d’encadrement ou de management et la remise en cause systématique ou l’abandon des projets confiés alors que son état de santé s’était concomitamment altéré, constituaient des éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et que cette situation n’était pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

 

Par suite, la Haute rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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