SOURCE : CA Aix en Provence, 14 juin 2012, n°11-17563
La domiciliation est l’affectation par une personne physique ou morale d’un local déterminé comme siège de son entreprise, et par voie de conséquence comme lieu où elle est réputée, à l’égard des tiers, exercer son activité commerciale et, s’agissant des sociétés, du lieu où fonctionnent les organes de la direction[1]. Quel qu’en soit le contenu, le contrat de domiciliation se distingue du contrat « de boite aux lettres » par lequel une personne fournit à un professionnel le seul service d’une adresse postale ou télématique[2].
Dans le cadre d’une domiciliation :
– soit le domicilié conclut un contrat de domiciliation, par lequel un tiers, lui met à disposition à titre principal une adresse destinée à être utilisée dans ses relations commerciales et, à titre accessoire, lui fournit diverses prestations pouvant contribuer à l’exercice de son activité (réception et renvoi du courrier, ligne téléphonique et télécopie, secrétariat, mise à disposition de bureaux ou de salles de réunion, tenue de comptabilité,…) ;
– soit le domicilié installe le siège de son entreprise dans un local qu’il loue pour l’exercice d’une autre activité. Dans ce cas, la tentation est grande pour le bailleur souhaitant évincer son preneur des lieux loués, de considérer la domiciliation comme une sous location irrégulière sur le fondement de l’article L145-31 du Code de commerce ou des dispositions contractuelles qui, de manière général, se réfèrent au même texte.
En effet, si en principe la domiciliation n’est pas une sous location, la mise à disposition de bureaux à titre régulier permet l’exercice d’une seconde activité commerciale dans les lieux loués, de sorte que les juges du fonds doivent rechercher le paiement d’un prix ou l’existence d’une contrepartie[3] afin de caractériser une véritable sous location[4].
C’est dans ce contexte que se déroule le présent litige, soumis à l’appréciation de la Cour d’appel d’Aix en Provence.
En l’espèce, un preneur domicilie dans les lieux loués au titre d’un bail commercial, une association. Son bailleur, considérant cette domiciliation comme une sous location irrégulière, lui délivre un commandement visant la clause résolutoire, puis l’assigne en constat de la résiliation du bail.
Le juge des référés, relevant que la domiciliation n’avait aucune contrepartie et que l’activité de l’association n’était qu’une émanation de celle du Preneur, strictement identique, considère que cette domiciliation ne peut être assimilée à une sous location.
La Cour d’appel d’Aix en Provence confirme l’ordonnance entreprise.
Outre le grief fondé sur la sous location irrégulière, il est également possible, dans la plupart des cas, de se fonder sur une modification irrégulière de la destination du bail pour obtenir sa résiliation. En effet, dès lors que la société est rémunérée, la domiciliation peut être appréhendée comme une nouvelle activité non prévue au bail. La Cour de Paris a déjà pu considérer que la domiciliation de sociétés, conformément à l’objet social du preneur et à la destination du bail, ne saurait être envisagée comme une activité prohibée par le bail[5]. A contrario, dès lors que la clause destination du bail ne prévoit pas directement ou indirectement la domiciliation comme une activité autorisée par le bail, la domiciliation peut être considérée comme une activité prohibée par le bail.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] Lamy droit commercial, 2012, Baux commerciaux, n°1116
[2] F. Collart Dutilleul et Ph Delebecque, Contrats civils et commerciaux, Dalloz 6ème ed, 2002, p329
[3] 3ème civ. 10-11-2009 n° 08-17.892
[4] 3ème civ, 7 février 1996, n°93-19013
[5] CA Paris, CH 16 Sect A, 15 mars 2006, RG : 04/14914 ; dans le même sens : CA Paris, 10 novembre 2010, n°09-16431