Bailleur, preneur, sous-locataire : sort d’une promesse de vente de fonds de commerce

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE : 3ème civ, 9 septembre 2014, n°13-19753, Inédit

 

En l’espèce, un preneur à bail commercial donne en location-gérance son fonds de commerce lequel contient un engagement du loueur de céder le fonds au terme du contrat.

                         

En aout 2007, le preneur devient propriétaire des locaux donnés à bail, ce qui provoque, conformément à l’article 1300 du Code civil, l’extinction du bail commercial.

 

« Lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne, il se fait une confusion de droit qui éteint les deux créances. 

 

Par conséquent, un élément essentiel du fonds de commerce, à savoir le droit au bail, semble disparaître. Quel est le sort de la promesse ?

 

Pour le preneur/bailleur : « la confusion des droits locatifs et de propriété éteint le droit au bail sur le bien immobilier dont le preneur devient propriétaire ; (…) le bail commercial objet de [la] promesse avait disparu (…) et ne pouvait plus donner lieu à cession (…) ; »

 

Pour le locataire gérant : la confusion des droits locatifs n’exonère pas le preneur à bail d’honorer sa promesse de cession du fonds de commerce, lequel comprend nécessairement le droit au bail sans lequel le fonds ne peut être exploité dans les lieux. La promesse contenait d’ailleurs un énoncé des stipulations du bail. Il en résulte que cessionnaire du fond de commerce, en ce compris le droit au bail, il bénéficie d’un bail commercial soumis au statut.

 

La Cour d’appel de Caen retient la thèse développée par l’ancien locataire gérant. Pour les juges caennais, le preneur « a également promis de céder le bail ; que le fait qu’il soit devenu propriétaire des murs commerciaux ne saurait l’autoriser à se refuser d’exécuter l’engagement pris dans le cadre de la promesse de vente de fonds de commerce ».

 

Cette position est suivie par la Cour de cassation :

 

« Mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que le fait pour M. X… d’être devenu propriétaire des murs commerciaux ne l’empêchait pas d’exécuter l’engagement de vente du fonds de commerce, la cour d’appel, qui a retenu que la cession du fonds de commerce incluait le droit au bail, en a justement déduit que la société Le Bistrot d’Antan était devenue bénéficiaire d’un bail commercial soumis aux mêmes clauses et conditions que celles du bail consenti à M. X… »

 

Cette position est logique, et peut être rapprochée d’une autre décision dans le domaine de la sous-location, dans laquelle la Cour de cassation avait déjà approuvé une Cour d’appel de retenir que « la confusion des deux qualités sur une même tête laissait subsister l’obligation éteinte entre le bénéficiaire de la confusion et les tiers » [1].

 

En conséquence, l’achat de l’immeuble par le preneur n’a pas pour effet de résilier le bail commercial[2] : le bail est simplement éteint dans les relations preneur/ bailleur, mais ses effets se poursuivent dans les rapports preneur / locataire-gérant.

 

Seuls subsistent de l’ancien contrat de location gérance les engagements qui n’ont pas été atteints de confusion. Il en est notamment de la promesse de cession de fonds ou de toute autre stipulation qui ne relèverait pas directement de la sous-location induite par la location gérance.

 

Le rédacteur pragmatique pourra régler la difficulté en stipulant expressément que la disparition de la location par confusion entraine l’extinction de tous les engagements pris au titre de la location gérance, en ce compris la promesse de cession. Ce type de clause est en effet opposable au locataire gérant, puisque le texte analysé par la Cour de cassation n’est pas d’ordre public.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] 3ème civ, 5 juillet 2011, n°10-21880, dans le même sens, 3ème civ, 2 octobre 2002, n°00-16867, FS-P+B

[2] Cass com., 4 décembre 2012, n°11-25958, publié au Bulletin ; Cass. Com., 12 juin 2012, n°11-18978

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