Bail commercial, Tascom, extension de l’assiette de la taxe sur les surfaces commerciales au sas d’entrée d’un commerce

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

Par un arrêt important du 16 novembre 2022 ayant fait les honneurs d’une mention dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’État revient sur sa jurisprudence antérieure, et juge qu’un sas d’entrée d’un magasin destiné à permettre aux clients de bénéficier de ses prestations commerciales, devait être regardé comme affecté à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats et donc intégré à la surface de vente retenue tant pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) que pour la détermination des projets soumis à autorisation d’exploitation commerciale.

SOURCE : CE, 8ème – 3ème chambres réunies, 16 novembre 2022, n°462720, Mentionné dans les tables du recueil Lebon

I – L’approche normative de la notion de « surfaces de vente »

En matière d’aménagement commercial, le Code commerce définit à son article L752-1 les surfaces de vente soumises à autorisation d’exploitation commerciale, périmètre d’autorisation d’exploitation dont CHRONOS fera l’économie de plus amples développements, renvoyant les lecteurs à la lettre de l’article L752-1.

A côté de ce volet « urbanisme commercial », la Loi n°72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, a institué à son article 3 une taxe sur les surfaces commerciales appelée « Tascom » due par les établissements commerciaux permanents, quels que soient les produits vendus au détail, situés en France, cumulant un certain nombre de caractéristiques (sauf exceptions)[1] :

  • L’ouverture de l’établissement a eu lieu à compter du 1er janvier 1960 ;
  • Son chiffre d’affaires annuel doit être supérieur ou égal à 460 000 euros hors taxes ;
  • Sa surface de vente dépasse 400 m² ou, quelle que soit la surface de vente de l’établissement, si celui-ci est contrôlé directement ou indirectement et exploité sous une même ancienne commerciale appartenant à une tête de réseau dont la surface cumulée des établissements est supérieure à 4 000 m².

L’article 3 de la Loi du 13 juillet 1972 définissait la surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe (comme de la surface de vente soumise à autorisation commerciale) comme tout espace affecté à :

« (…) La circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l’exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente » ;

Avec cette précision importante que :  

« La surface de vente des magasins de commerce de détail prise en compte pour le calcul de la taxe ne comprend que la partie close et couverte de ces magasins ».

Compétent en matière de recouvrement de la Tascom jusqu’en 2010, la Caisse nationale du Régime social des indépendants (RSI) intégrait dans le périmètre du calcul de la surface des locaux couverts et clos, les sas d’accès, les voies de dégagement vers les issues ou l’implantation des caisses.

En pratique, cette définition légale générale, libérale a suscité bon nombre d’interrogations quant à sa mise en œuvre pratique : fallait-il intégrer dans le champ des espaces dédiés à la vente le hall d’entrée, la caisse centrale du commerce de détail – espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats – dès lors que ces surfaces ne sont pas utilisés à la vente de produits ?

En l’absence de position doctrinale claire sur la notion de « surfaces de vente », le Conseil d’Etat a été amené au fil de ses décisions, à délimiter la notion de « surface de vente » au regard d’éléments objectifs.

II – L’approche progressive de la notion par le droit prétorien

La Haute juridiction de l’ordre administratif a eu l’occasion de préciser la notion de « surfaces de vente », en écartant notamment la prise en compte de certaines surfaces, telles que celles n’exposant pas de marchandises proposées à la vente, ouvertes à d’autres utilisateurs que les clients et dédiés à la pratique des sports[2] ou celles « destinées à l’usage de laboratoires, réserves et locaux sanitaires et sociaux (…) son accès étant interdit à la clientèle »[3].

Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs déjà débuté son œuvre de construction doctrinale, en intégrant à cette catégorie les lieux de stockage, pourtant exclus en principe des surfaces de ventes, lorsqu’ils sont directement accessibles au public[4].

Il est à noter que la définition de la notion de « surfaces de vente » à ce stade de l’évolution du droit prétorien, relevait de la casuistique en l’absence de critères objectifs à la définition de « surfaces de vente ».

Par une décision du 6 juin 2018[5], le Conseil d’Etat a apporté des précisions importantes sur ce qui peut ou non être intégré dans l’assiette du calcul de la surface de vente en matière d’aménagement commercial, en posant deux critères cumulatifs à la surface de vente. La surface de vente est :

  • Un lieu accessible à la clientèle et ;
  • Un lieu directement lié à la vente de produits ;
  • En précisant par la même occasion qu’un hall d’entrée et une caisse étaient exclus du calcul de la surface de vente dans la nature où ces surfaces ne sont pas affectées à la vente de produits.

Cette définition jurisprudentielle s’appliquait également au titre de la législation fiscale.

III – L’extension de l’assiette de calcul de la surfaces de vente par l’arrêt commenté

Saisi par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, à la requête d’une société qui exploitait un fonds de commerce à usage de commerce de détail, quincaillerie et bricolage, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur le sort de cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales au titre de la réintégration dans la surface de vente prise en compte pour l’établissement de cette imposition, du sas d’entrée du magasin.

Le Tribunal administratif avait débouté le requérant de sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités correspondantes.

Dans son arrêt du 16 novembre 2022 qui a fait les honneurs d’une mention dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat explique dans le résumé de sa décision qui constitue la quintessence de l’apport doctrinal de son arrêt que :

« Un sas d’entrée affecté à la circulation de la clientèle, a, en dépit du fait qu’il n’accueille aucune marchandise, vocation à permettre aux clients de l’établissement de bénéficier de ses prestations commerciales. …Cet espace doit, au sens de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, être regardé comme affecté à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats. …Il doit ainsi être intégré à la surface de vente retenue pour la détermination des projets soumis à autorisation d’exploitation commerciale.


Un sas d’entrée affecté à la circulation de la clientèle, a, en dépit du fait qu’il n’accueille aucune marchandise, vocation à permettre aux clients de l’établissement de bénéficier de ses prestations commerciales. …Cet espace doit, au sens de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, être regardé comme affecté à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats. …Il doit ainsi être intégré à la surface de vente retenue pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) ». 

Ainsi, un sas d’entrée, lieu de passage indispensable des clients vers les rayons, doit-il être regardé comme affecté à la circulation, et donc être intégré à la surface de vente retenue (i) pour la détermination des projets soumis à autorisation d’exploitation commerciale et (ii) pour le calcul de la Tascom.

A noter que la solution a été rendue pour un commerce hors centre commercial. Ainsi, a été jugé dans deux autres espèces, que le hall d’entrée d’un centre commercial ou l’allée qui dessert plusieurs magasins n’est pas considéré comme une surface de vente ni en matière d’urbanisme commercial[6] ni  en matière de Tascom[7]


[1] https://www.impots.gouv.fr/la-taxe-sur-les-surfaces-commerciales

[2] CE, 28 avril 2004, Société Sports et Loisirs 47, req n°241915

[3] CE, 3 mars 2003, SARL Duboeuf et Fils, req n°227542

[4] CE, 10 mars 2006, Société Leroy Merlin, req n°278220

[5] CE, 6 juin 2018, Société Hurtevent, req n°405608

[6] CE, 18 mai 1979, SCI Les Mouettes, req n°7418

[7] CE, 3 juillet 2019, Société Kéréol, req n°414009

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