Bail commercial, résidences de tourisme : la prohibition de la faculté du preneur de résilier le bail à chaque échéance triennale, n’est pas applicable aux baux renouvelés !

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

L’article L145-7-1 du Code de commerce, qui déroge à la faculté de résilier le bail à échéance triennale reconnue au locataire par l’article L145-4 du Code de commerce, n’est pas applicable aux baux renouvelés soumis au seul article L145-12 du même Code.

SOURCE : Cass civ 3ème, 7 septembre 2023, n°21-14279, FS – B

C’est un arrêt de principe, dont la portée doctrinale mérite d’être soulignée, que vient de rendre la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 7 septembre 2023.

La Cour de cassation se prononce clairement et favorablement en faveur de l’application aux baux renouvelés, et signés initialement entre les propriétaires et les exploitations de résidences de tourisme, du droit reconnu au preneur (d’ordre public) de résilier le bail tous les trois ans.

La résidence de tourisme est définie comme tout établissement commercial d’hébergement classé, faisant l’objet d’une exploitation permanente ou saisonnière. Elle est constituée d’un ensemble homogène de chambres ou d’appartements meublés, disposés en unités collectives ou pavillonnaires, offerts en location pour une occupation à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle touristique qui n’y élit pas domicile. Elle est dotée d’un minimum d’équipements et de services communs. Elle est gérée dans tous les cas par une seule personne physique ou morale[1].

Pour mémoire, la durée des baux commerciaux, signés entre les propriétaires et les exploitants de résidence de tourisme, ne peut être inférieure à neuf ans, sans possibilité de résiliation à l’expiration d’une période triennale[2].

Il s’agit d’une exception au droit fondamental reconnu au preneur, de résilier à chaque échéance triennale son bail commercial (bail dit « 3/6/9 »), laquelle souffre également d’exceptions : baux d’une durée supérieure à neuf ans, baux de locaux monovalents, baux à usage exclusif de bureaux et ceux à usage de stockage. Dans ces cas limitativement énumérés, les parties peuvent stipuler des périodes d’engagement fermes[3].

L’exclusion de la faculté de résiliation triennale est une règle qui a été instituée par le législateur afin de protéger l’investissement des particuliers et d’assurer la pérennité de l’exploitation pendant une période minimale de neuf années. En effet, l’acquisition d’un ou plusieurs lots au sein d’une résidence de tourisme, s’inscrit en réalité dans un cadre patrimonial qui ne peut être réalisé que par des personnes physiques (location meublée non professionnelle), lesquelles optent pour un des dispositifs de réduction d’impôt sur le revenu, subordonné à un engagement de donner à bail pendant au moins neuf ans à l’exploitant de la résidence, soit la durée du bail initial.

Le désengagement du locataire avant le terme du bail aurait donc mis en péril les avantages fiscaux du bailleur.

La question s’est posée de savoir si l’article L145-7-1 du Code de commerce s’appliquait ou non aux baux renouvelés, lequel vise pour mémoire tous les baux signés entre les propriétaires et les exploitants de résidences de tourisme, sans distinguer selon qu’il s’agisse de baux initiaux ou de baux renouvelés.

Jusqu’au 7 septembre 2023, quelques décisions contradictoires avaient à notre connaissance, été rendues par les juridictions du second degré :

Ainsi, la Cour de Poitiers a jugé que l’article L145-7-1 du Code de commerce, s’appliquait tant au bail initial qu’au bail renouvelé, dès lors qu’aucune distinction légale n’était faite entre les deux conventions[4].

A l’inverse, la Cour d’appel de Paris a jugé aux termes de cinq arrêts rendus le 27 janvier 2021, que l’article L145-7-1 du Code de commerce, n’était pas applicable aux baux renouvelés. La Cour a estimé qu’une interprétation du texte était nécessaire, en ce que le terme « baux signés » renvoyait à la notion de « baux initiaux conclus lors de l’édification de la résidence ou lors de sa réhabilitation selon les conditions fixées au code général des impôts », dans des conditions permettant aux propriétaires d’obtenir des avantages fiscaux [5].

Saisie d’un pourvoi formé par les propriétaires de lots au sein d’une résidence de tourisme, précisément à l’encontre des arrêts rendus par la Cour d’appel de Paris le 27 janvier 2021, la Haute juridiction se prononce favorablement en faveur de l’inapplication du principe de l’engagement ferme de neuf années, aux baux renouvelés.

La Cour de cassation se fonde notamment sur les travaux parlementaires et sur l’intention du législateur d’assurer une stabilité pendant au minimum neuf ans, et non au-delà.

D’autre part et surtout, la Cour relève que la durée du bail renouvelé étant de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue[6], celui-ci reste soumis aux dispositions du Code de commerce (article L145-4 alinéas 2 et 3) relatives à la faculté pour le locataire de donner congé tous les trois ans (hors exceptions visés supra).

Partant, l’interdiction de déroger à la faculté de résiliation du bail à échéance triennale reconnue au locataire, n’est pas applicable aux baux renouvelés.


[1] Article D321-1 du Code de tourisme

[2] Article L145-7-1 du Code de commerce

[3] Article L145-4 du Code de commerce

[4] CA POITIERS, 28 mai 2019, n°17/03289

[5] CA PARIS, 24 janvier 2021, n°19/14665, n°19/14657, 19/14779, 19/14773, 19/14784

[6] Article L145-12 du Code de commerce

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