Après le blanchiment, le noircissement

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

SOURCE : Décret n° 2015-324 du 23 mars 2015

                   Article L 561-15-1 II du Code Monétaire et Financier

 

Tout le monde connaît le blanchiment, que l’on peut définir succinctement comme l’introduction dans le circuit légal de l’argent acquis de manière illégale[1]. Dès lors, pour qu’il y ait blanchiment, il faut évidemment une infraction sous-jacente. A défaut, le délit n’est pas constitué. Le manquement aux dispositifs LCB-FT peut en revanche être caractérisé en cas de constatation par l’AMF ou l’ACPR d’un manquement à la réglementation bancaire et financière.

 

On peut se demander dans ces conditions, à quoi cela peut-il servi de dénoncer à TRACFIN des retraits d’espèces effectués au guichet, d’un seuil maximum de 10 000 €/mois, puisque précisément l’argent est propre et qu’il n’y a a priori pas de raison particulière pour procéder à une opération inverse, c’est-à-dire « le salir » ?

 

Pour quelle raison TRACFIN s’intéresserait à l’utilisation d’ « argent propre » ? On exclura d’emblée tout dessein d’organisation criminelle de type traditionnel. En effet, cette opération se monte avec de l’argent sale (recherche de discrétion), le blanchiment constitue en quelque sorte une sortie du circuit illégal.

 

En revanche, le retrait d’espèces est un signe permettant d’identifier un individu ayant décidé de passer à l’action en quittant le territoire national pour rejoindre une zone de combat à l’étranger. Son objectif principal consiste alors à mobiliser en peu de temps, un maximum de ressources. Il peut ainsi s’appuyer sur de faux documents[2] et solliciter plusieurs établissements de crédit pour des prêts à la consommation. Il peut dans cette phase préparatoire acquérir par exemple un véhicule à crédit. Peu avant son départ, une fois les fonds versés par le ou les organismes de crédit sollicités, ces derniers sont intégralement retirés en une ou plusieurs fois, le compte est rarement clos, mais son solde est proche de zéro et ne mouvemente plus. Dans ce dispositif qui s’inscrit plus dans la lutte contre le financement du terrorisme, la détection des profils à risque grâce à l’apport de renseignements financiers permet ainsi aux administrations compétentes de compléter de façon indirecte l’information collectée par les services de terrain chargés d’identifier et de lutter contre les mouvements radicaux.

 

C’est sous le bénéfice de ces explications que peut être désormais décrit le nouveau dispositif mis en place.

 

I – LES OPERATIONS DEVANT FAIRE L’OBJET D’UNE COMMUNICATION A TRACFIN

 

D’une façon générale, les opérations intrinsèquement suspectes doivent faire l’objet d’une déclaration à TRACFIN[3]. Sans préjudice de cette obligation, les organismes financiers[4] doivent transmettre à TRACFIN divers éléments d’informations relatifs aux opérations financières présentant un risque élevé de blanchiment ou de financement du terrorisme, en raison du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds du type d’opération ou de structure juridique concernée[5].

 

Par application de ces principes, les établissements de crédit et du secteur bancaire, les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique seront tenus à compter du 1er janvier 2016, de transmettre à TRACFIN diverses informations concernant les versements et les retraits effectués sur un compte de dépôt ou de paiement ouvert au nom d’un client autre qu’un organisme financier dont le montant cumulé sur un mois calendaire dépasse 10 000 €.

 

Cette obligation commune s’impose, que les opérations visées soient effectuées alternativement ou cumulativement en euros ou en devises.

 

En revanche, les opérations liées à un crédit lié à la consommation ne sont pas soumises à cette obligation[6].

 

II – INFORMATIONS DETAILLEES A COMMUNIQUER A TRACFIN

 

Elles sont posées par le décret susvisé, auquel il est renvoyé.

 

III – INFORMATIONS A COMMUNIQUER 30 JOURS APRES LE RETRAIT OU LE VERSEMENT

 

Les informations visées doivent être communiquées à TRACFIN au plus tard dans les 30 jours suivant le mois au cours duquel le seuil de 10 000 € a été atteint.

 

IV – TRANSMISSION PAR INTERNET

 

Ces informations sont communiquées à TRACFIN par l’application informatique spéciale accessible par le réseau internet[7] ou en cas d’impossibilité sur support numérique dans un format compatible avec ce dispositif[8].

 

Eric DELFLY

VIVALDI-Avocats

 


[1] Spéculation illégale, fraude fiscale, activité mafieuse, trafic de drogue, d’arme, d’extorsion, corruption, etc.

[2] Bulletin de paye, attestation d’employeur, etc.

[3] Art L 561-15 du Code Monétaire et Financier

[4] Art L 561-2 1° à 7° du Code Monétaire et Financier

[5] Art L 561-15-1 II Code Monétaire et Financier

[6] Art L 311-1 du Code de la Consommation et R 561-31-2 du Code Monétaire et Financier

[7] Art R 561-1 du Code Monétaire et Financier

[8] Art D 561-31-3 du Code Monétaire et Financier

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