Source : Cass. 1ère civ., 15 janv. 2015, n° 13-23489. Arrêt n° 51 P + B
La première Chambre Civile de la Cour de Cassation a rappelé le principe déjà posé par la chambre commerciale concernant le caractère ou non disproportionné de l’engagement de caution.
Ainsi, dans son arrêt en date du 9 avril 2013[1] elle énonce :
« Vu l’article L. 341-4 du code de la consommation ; Attendu que, pour rejeter la demande de la caution fondée sur la disproportion de son engagement au regard de ses capacités financières, l’arrêt relève qu’elle s’était antérieurement rendue caution, en faveur de la caisse, des engagements de la SBC, à concurrence de 125 000 euros et, concomitamment, des dettes de la SCI envers le CIAL à hauteur de 14 400 euros, ainsi que de celles de la SBC envers la caisse et le CIAL, à concurrence de 71 500 euros et de 30 000 euros respectivement ; qu’il retient que si le montant cumulé de ces cautionnements atteignait la somme de 255 300 euros et si les actes souscrits le 30 mai 2007 en garantie des engagements de la SBC, pour un montant total de 101 500 euros, pouvaient sembler disproportionnés aux revenus et biens de la caution, les deux cautionnements de 14 400 euros garantissant les crédits consentis à la SCI n’étaient en revanche pas disproportionnés, même en tenant compte du cautionnement de 125 000 euros antérieurement souscrit ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que pour apprécier le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, il doit être tenu compte de l’ensemble des engagements souscrits par la caution au jour de la fourniture de ce cautionnement, la cour d’appel a violé le texte susvisé »
Ou encore dans un arrêt en date du 22 mai 2013[2], la Haute Cour a jugé :
« Vu l’article L. 341-4 du code de la consommation ;
Attendu que pour écarter le caractère disproportionné de l’engagement de caution de M. Emmanuel X…, l’arrêt retient que les engagements de caution qu’il a souscrits par ailleurs ne pouvaient être pris en considération, dès lors qu’ils ne correspondaient qu’à des dettes éventuelles ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la disproportion doit être appréciée en prenant en considération l’endettement global de la caution y compris celui résultant d’engagements de caution, la cour d’appel a violé le texte susvisé »
Dans l’arrêt présentement commenté, M.X s’était porté caution solidaire envers une banque de plusieurs concours financiers consentis à une société.
La société ayant été défaillante dans ses obligations, la banque a assigné la caution.
Devant la Cour d’Appel, la caution a fait valoir la disproportion manifeste de son engagement de caution.
Pour écarter sa demande, la Cour d’Appel retient que son endettement se compose uniquement de prêts immobiliers.
Dans la lignée des arrêts précédemment rendus la Cour de Cassation censure la Cour d’Appel, en énonçant que l’appréciation du caractère disproportionné de l’engagement de caution doit se faire au regard de l’endettement global, y compris celui résultant d’engagements de caution.
Il convient de préciser qu’il est indispensable que ces engagements aient été pris au moment de la conclusion du contrat de cautionnement, et ce quand bien même ces engagements ne donnerait naissance qu’à des créances éventuelles.
Si le principe de la prise en compte de l’endettement né d’autres engagements de caution pour déterminer le caractère disproportionné de l’engagement de caution est désormais établi, se pose nonobstant la question de savoir si selon la même logique doit être appliquée au moment où la caution est appelée en garantie.
En pratique, cela reviendrait à dire qu’au moment où la garantie est mise en œuvre, et si l’on suit la même logique que celle adoptée par la Cour de Cassation à la conclusion du contrat, il conviendrait alors d’apprécier le patrimoine de la caution au moment où elle est appelée en garantie.
Pour la Cour de Cassation, les critères d’appréciation du caractère disproportionné ne seraient pas les mêmes lors de la signature de l’engagement de caution et au moment où la caution est appelée.
Ainsi dans un arrêt en date du 27 mai 2014[3], la Cour de Cassation a retenu que les engagements de caution autres que celui au titre duquel le créancier agit, ne devaient pas permettre à la caution de tirer parti de l’argument de disproportion initiale, pourvu qu’elle soit en mesure de payer au créancier ce qui lui est réclamé au moment de la demande
«Mais attendu qu’ayant, par des motifs non critiqués, constaté, d’un côté, que la somme réclamée par la banque à la caution s’élevait à 50 142,33 euros et, de l’autre, que M. et Mme X…, dont les biens communs avaient été engagés au titre de l’acte de caution, avaient conservé sur le prix de la vente intervenue le 26 juillet 2008, d’un bien leur appartenant, un reliquat de 84 541,18 euros, la cour d’appel, abstraction faite des motifs surabondants visés au moyen, a pu en déduire que la caution, au moment où elle était appelée, était en mesure de faire face à son engagement ; que le moyen n’est pas fondé »
En conclusion, si la position de la Cour de Cassation est bien définie quant à l’appréciation de la disproportion au moment de l’engagement de caution, il faut se montrer prudent sur les critères retenus au moment où la caution est appelée, et attendre que cette position soit de nouveau confirmée par la Haute Cour.
Geneviève FERRETTI
Vivaldi-Avocats
[1]Cass.com. 9 avril 2013 ; n° 12-17.893
[2]Cass.com. 22 mai 2013 ; n° 12-24.812
[3]Cass.com, 27 mai 2014, n° 13-15.038