Pas de double signification de la décision du juge des loyers pour faire courir le délai du droit d’option

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE : 3ème civ, 14 janvier 2015, n°13-23490, FS – P+B+I

 

Si le Preneur n’est pas satisfait de la décision rendue par le Juge des loyers relative à la fixation du loyer du bail renouvelé, il peut, sur le fondement de l’article L145-57 du Code de commerce, « dans le délai d’un mois qui suit la signification de la décision définitive, (…) renoncer au renouvellement (…) à charge (…) de supporter tous les frais. »

 

L’emploi des termes « signification de la décision définitive » avait fait naître un important contentieux quant aux conditions d’exercice du droit d’option, qui a donné lieu à un arrêt de cour de cassation intervenu sous l’empire de l’article 3 § 7 de la loi du 30 juin 1926 (qui prévoyait une disposition analogue à celle de l’article 31 du décret du 30 septembre 1953 devenue l’article L 145-57 du code de commerce) et qui disposait que « lorsque l’ordonnance du président n’a pas été frappé d’appel dans le délai légal et a acquis un caractère définitif , une nouvelle signification est nécessaire pour ouvrir le délai d’option du propriétaire »[1].

 

Selon cette ancienne jurisprudence, appuyée par la doctrine, et rappelée à l’occasion d’un autre litige par la Cour d’appel de Paris[2], le bailleur doit procéder à deux significations, une pour faire courir le délai d’appel et une autre à l’expiration du délai d’appel, pour faire courir l’exercice du droit d’option à compter de la décision définitive.

 

Un plaideur ayant exercé son droit d’option après l’expiration du délai d’un mois à compter de la signification de la décision du Juge des loyers commerciaux fixant le loyer du bail renouvelé, avait profité de cette « perche » apparemment tendue par la Cour d’appel de Paris, pour prétendre que, à défaut d’une double signification de la décision, son droit d’option ne pouvait être considéré comme tardif.

 

Sans succès, la Cour d’appel de Paris considérant que « le texte de l’article L. 145-57 du Code de commerce ne prévoit pas expressément de double signification de la décision qui fixe le montant du loyer du bail renouvelé, pour l’exercice du droit d’option », position confirmée par la Cour de cassation.

 

Décision logique, qui méritait sans doute, comme c’est le cas, une publication sur le site internet de la Cour de cassation.

 

Troublante est en revanche la position prise par la Cour d’appel de Paris sur la notion de « décision définitive », puisque la Cour considère qu’une telle décision est celle « ayant autorité de chose jugée par opposition à celle ayant acquis force de chose jugée contre laquelle aucune voie de recours ordinaire ne peut être exercée ou encore à celle irrévocable qui ne peut plus être attaquée par une voie de recours ordinaire ou extraordinaire, que la décision du juge des loyers fixant le prix du loyer du bail renouvelé dessaisit le juge dès son prononcé et a ainsi autorité de la chose jugée par application de l’article 480 du Code de procédure civile, qu’elle doit donc être considérée comme définitive au sens de l’article L. 145-57 du Code de commerce (…) un jugement « définitif » au sens de l’article L. 145-57 du Code de commerce est un jugement qui dessaisit le juge à l’égard d’une question posée, par opposition à un jugement avant dire droit qui ne dessaisit pas le juge ; que pour autant un jugement définitif peut encore être susceptible d’appel ».

 

Cette position n’est pas nouvelle. Elle avait déjà été développée par un précédent arrêt du 12 septembre 2012, censuré[3] pour avoir dit qu’exercé au-delà du délai d’un mois de la signification de la décision du juge des loyers, mais avant la signification de l’arrêt d’appel, l’exercice du droit d’option par un preneur était tardif ou prématuré.

 

Elle n’est cependant pas conforme à l’esprit du texte, qui vise à laisser le choix au preneur ou au bailleur, de mettre fin, lorsqu’aucun espoir ne subsiste, d’obtenir une décision conforme à ses attentes. Contrairement à la Cour d’appel de Paris, l’administration[4] considère quant à elle que la décision définitive n’est pas assimilable à la décision ayant autorité de chose jugée de l’article 480 du CPC, ni à la décision ayant force de chose jugée de l’article 500 du CPC, mais à la décision rendue « lorsque toutes les voies de recours ont été utilisées ou que les délais d’opposition, d’appel ou de cassation sont expirés ».

 

Dans ce contexte, « la décision définitive » de l’article L145-57 du Code de commerce doit donc s’entendre comme la décision irrévocable, rendues alors que toutes les voies de recours sont épuisées.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass. Civ, 30 avril 1953, énoncé dans l’arrêt commenté

[2] CA PARIS, Pole 5 CH 3, 12 septembre 2012, n°10/15659

[3] 3ème civ, 11 décembre 2013, n°12-29020

[4] Cf , site officiel de l’administration française

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