Dès lors que l’AMF est autorisée par le Juge des Libertés, à procéder à une visite domiciliaire (perquisition), celle-ci peut appréhender tout document identifié dans les lieux visités, en ce compris ceux dont elle n’est pas le propriétaire ou l’émetteur. Cette tolérance a vocation à s’appliquer aux « visites » autorisées en matière douanière et fiscale et même de l’Autorité de la concurrence.
Sources :
- Cass. Ass. plénière 16 décembre 2022 n° 21-23.719 B – R
- Cass. Ass. Plénière 16 décembre 2022 n° 21-23.685 B – R
Accessoirement et par comparaison :
I –
L’Assemblée Plénière, qui regroupe les six chambres de la Cour de cassation est constituée de 18 Magistrats, avait à statuer sur la portée de l’autorisation donnée par le Juge de la Liberté et de la Détention (JLD) à l’AMF de procéder à une visite domiciliaire dans les conditions prévues à l’article L.621-12 du Code Monétaire et Financier, ainsi rédigé :
« Pour la recherche des infractions définies aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 et des faits susceptibles d’être qualifiés de délit contre les biens et d’être sanctionnés par la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers en application de l’article L. 621-15, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter peut, sur demande motivée du secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers, autoriser par ordonnance les enquêteurs de l’autorité à effectuer des visites en tous lieux ainsi qu’à procéder à la saisie de documents et au recueil, dans les conditions et selon les modalités mentionnées aux articles L. 621-10 et L. 621-11, des explications des personnes sollicitées sur place.
Lorsque les locaux visités sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu’une action simultanée doit être menée dans chacun d’eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l’un des juges des libertés et de la détention compétents.
Le juge doit vérifier que la demande d’autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’Autorité de nature à justifier la visite. Il désigne l’officier de police judiciaire chargé d’assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement. Lorsque les opérations ont lieu en dehors du ressort de son tribunal judiciaire, le juge des libertés et de la détention saisi peut se déplacer sur les lieux quelle que soit leur localisation sur le territoire national (…)
Les enquêteurs de l’Autorité, l’occupant des lieux ou son représentant et l’officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces avant leur saisie.
L’officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 56 du code de procédure pénale. L’article 58 de ce code est applicable ( …) »
L’Assemblée Plénière avait à trancher une divergence de position entre les chambres de la Cour de Cassation, illustrée, notamment, par un Arrêt, un peu plus ancien, rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, qui interdisait à l’AMF, munie d’une telle autorisation, d’appréhender, au moment de cette visite, les documents détenus par des « personnes de passage », définition qui aurait mérité plus de précision tant ses contours apparaissent incertains.
Dans sa décision commentée, l’Assemblée Plénière abandonne la distinction entre occupant des lieux et personnes de passage et, plus largement, juge que l’AMF peut saisir tout document avec lequel elle entre en possession, lors de sa visite, avec cette particularité que par document il faut comprendre, ceux présents physiquement dans les locaux, mais également ceux accessibles depuis ceci et l’on pense, bien entendu, aux fichiers informatiques consultables dans les terminaux ou ordinateur de la personne visitée.
II –
Seule restriction à ces pleins pouvoirs d’appréhension, la Cour d’Appel reconnait à la personne « victime de l’Ordonnance », c’est-à-dire un occupant des lieux, la possibilité de faire appel à un Avocat et d’exiger la restitution des éléments situés en dehors de l’objet de la visite autorisée par le JLD.
Particularité ou plus exactement concession de la Jurisprudence à la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation de 2020, ce droit à un Avocat et la demande de restitution des documents, strictement limité, selon l’alinéa 4 de l’article L.621-12 précité, au seul occupant des lieux visités, peut, désormais, être utilisé par « la personne de passage » qui pourrait exiger que soit soustrait de la saisie des éléments qui le concerneraient et seraient sans rapport avec l’objet de la visite.
Sur le plan des droits fondamentaux, l’idée est intéressante. En pratique, elle va être très difficile à mettre en œuvre puisqu’elle supposerait que la personne de passage puisse avoir accès à la requête de l’AMF et à l’Ordonnance du JLD, et qu’elle puisse également avoir une connaissance exhaustive des documents qui auraient pu être appréhendés, même en simple copie, comme par exemple des copies de fichiers informatiques la concernant.
Il semble donc, à priori, difficile pour la « personne de passage » de mettre en place des mesures préventives. En revanche, il lui serait tout à fait envisageable, si cette pièce était utilisée en dehors des motifs de la visite autorisée, d’en demander sa soustraction dans le cadre d’une procédure qui pourrait être, en tout ou partie, fondée sur ces pièces dont la légalité de l’appréhension pourrait être contestée.
L’argument, pour le coup, pourrait être extrait de la motivation retenue par l’Assemblée Plénière, en ce que l’utilisation de ces pièces appréhendées en dehors du contexte, constituerait une atteinte excessive aux droits de toute personne, au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, constitutionnellement protégés.
III –
A noter que cette Jurisprudence n’intéresse pas uniquement les spécialistes du droit financier, il peut intéresser de la même manière les fiscalistes puisque l’article 16 B du LPF est rédigé dans des termes assez proches de ceux visés par le Code Monétaire et Financier et qu’il en est de même pour les visites domiciliaires de l’Autorité de la Concurrence, en matière de pratiques économiques illicites avec l’article L.450-1 du Code de Commerce.