Agent des sûretés : nouveau régime juridique

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Ord. n°2017-748 du 4 mai 2017 relative à l’agent des sûretés

 

La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « loi Sapin 2 », a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures tendant à clarifier et moderniser le régime de l’agent des sûretés. C’est désormais chose faite avec l’ordonnance publiée le 5 mai 2017 au Journal Officiel, et qui instaure un nouveau régime de fiducie pour l’agent des sûretés, notamment dans le cadre d’un crédit consenti à une entreprise par un pool bancaire. Les nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er octobre 2017.

 

Actuellement, l’article 2328-1 du Code civil dispose que toute sûreté réelle peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l’obligation garantie par une personne qu’ils désignent à cette fin dans l’acte qui constate l’obligation. En pratique, cette disposition créée par la loi n°2007-211 du 19 février 2007 sur la fiducie permet aux pools bancaires, dans le cadre d’un crédit syndiqué, de désigner un agent des sûretés pour gérer les garanties offertes par la société emprunteuse. L’ordonnance modifie et complète le régime, tout en laissant une place à la liberté contractuelle pour que les praticiens puissent l’adapter à leurs besoins.

 

I – Le champ de compétence du fiduciaire est étendu

 

À compter du 1er octobre 2017, l’article 2488-6 nouveau du Code civil précisera que « toute sûreté ou garantie pourra être prise, inscrite, gérée et réalisée par un agent des sûretés, qui agira en son nom propre au profit des créanciers de l’obligation garantie. L’agent des sûretés sera titulaire des sûretés et garanties. Les droits et biens acquis par lui dans l’exercice de sa mission formeront un patrimoine affecté à l’obligation garantie, distinct de son patrimoine propre».

 

L’agent des sûretés agira donc en qualité de fiduciaire et non de simple mandataire. Il pourra en outre intervenir non seulement quand le débiteur offrira une sûreté réelle (notamment, gage, hypothèque ou nantissement) mais aussi une garantie personnelle comme un cautionnement. L’agent pourra aussi gérer des promesses de sûretés ou des sûretés de droit étranger.

 

L’obligation de faire figurer la désignation de l’agent des sûretés dans l’acte constatant l’obligation garantie est supprimée. Cette désignation pourra donc intervenir dans un autre acte et elle ne sera plus nécessairement contemporaine de la naissance de l’obligation garantie. Toutefois, à peine de nullité, l’article 2488-7 nouveau du Code civil prévoira que la convention par laquelle les créanciers désigneront l’agent des sûretés devra être constatée par un écrit qui mentionnera sa qualité, l’objet et la durée de sa mission ainsi que l’étendue de ses pouvoirs.

 

L’ordonnance institue notamment pour l’agent des sûretés un régime de fiducie spécial et qu’il ne sera pas soumis aux dispositions sur les formalités de la fiducie de droit commun qui seraient excessivement lourdes pour la seule gestion de sûretés. Il en résulte donc que l’article 2019 du Code civil sur l’enregistrement et la publication de la fiducie ne s’appliquera pas.

 

II – Des précisions sur les droits et obligations de l’agent des sûretés

 

Selon le nouvel article 2488-8 du Code civil, lorsque l’agent des sûretés agira au profit des créanciers de l’obligation garantie, il devra faire expressément mention de sa qualité. L’article suivant précisera qu’il pourra, sans avoir à justifier d’un mandat spécial, exercer toute action pour défendre les intérêts de ces créanciers et procéder à toute déclaration de créance.

 

Le nouvel article 2488-10 du Code civil précise que les droits et biens acquis par l’agent des sûretés dans l’exercice de sa mission ne pourront être saisis que par les titulaires de créances nées de leur conservation ou de leur gestion, sous réserve de l’exercice d’un droit de suite et hors les cas de fraude. L’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel à l’égard de l’agent des sûretés sera sans effet sur le patrimoine affecté à sa mission.

 

L’article 2488-11 du même Code précise lui qu’en l’absence de stipulations contractuelles prévoyant les conditions de son remplacement et si l’agent des sûretés manque à ses devoirs, met en péril les intérêts qui lui sont confiés ou fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel, tout créancier bénéficiaire des sûretés et garanties pourra demander en justice la désignation d’un agent des sûretés provisoire ou le remplacement de l’agent des sûretés. Tout remplacement conventionnel ou judiciaire de l’agent des sûretés emportera de plein droit transmission du patrimoine affecté au nouvel agent des sûretés.

Enfin, l’article 2488-12 nous indique que l’agent des sûretés sera responsable sur son patrimoine propre des fautes qu’il commettra dans l’exercice de sa mission.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

 

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