Changement d’affectation d’une partie privative

Delphine VISSOL
Delphine VISSOL

 

Source : Cass. 3e civ., 6 sept. 2018, n° 17-22.172, Sté Tsinga  : JurisData n° 2018-019036

 

Un copropriétaire, après avoir acquis un lot (lot 17) dans un immeuble soumis au statut de la copropriété sur les immeubles bâtis composé d’une cave en sous-sol à usage de bureau, l’a transformé en un local d’habitation qu’elle a donné à bail.

 

Le syndicat des copropriétaires a assigné la SCI en remise en état des lieux, demande accueillie par la Cour d’appel.

 

Le copropriétaire soumet cette décision à la censure de la Cour de cassation aux motifs :

 

qu’il résulte de l’article 2 du règlement de copropriété de la résidence que la destination générale de l’immeuble est l’habitation bourgeoise, avec possibilité d’exercer une activité libérale dans les appartements ; que l’article 3 énonce ensuite que les locaux du rez-de-chaussée pourront être affectés à l’usage de commerce ; qu’il résulte enfin de l’article 22 bis de ce règlement que « les caves n5 et 9 composant les lots 13 et 17 pourront être affectés à un usage professionnel et transformées en cabinet ou bureau à la convenance exclusive de leur propriétaire sans qu’elles puissent toutefois être affectées à un usage commercial quelconque », de sorte qu’en retenant que la transformation du lot n°17 en local à usage d’habitation était contraire au règlement de copropriété, pour cela que la seule exception faite à la destination de chaque lot est la possibilité pour les caves d’être transformées en local à usage professionnel en y installant des bureaux, à l’exclusion de toute activité commerciale, ce qui a fortiori exclut toute transformation en local d’habitation, quand il résultait clairement du règlement de copropriété que la seule affectation prohibée des caves était l’usage commercial, de sorte le changement d’affectation du lot n17 en local à usage d’habitation était conforme à la destination générale de l’immeuble, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du règlement de copropriété.

 

que chaque copropriétaire peut procéder au changement d’affectation d’un lot privatif sans autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ; qu’en retenant que le changement d’affectation du lot n17 en local à usage d’habitation portait atteinte aux droits des autres copropriétaires, pour cela que la transformation d’un local à usage de bureau en local d’habitation porte atteinte à la tranquillité des autres copropriétaires, puisque les locaux professionnels ne sont ouverts que sur une plage horaire restreinte, pour une activité réduite en terme de nuisances et de consommation d’énergie, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les allées et venues de la clientèle d’une activité libérale n’étaient pas plus importantes que celles générées par un appartement de type T2, de sorte que le changement d’affectation opéré n’était à l’origine d’aucune nuisance particulière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis,

 

que seuls les caves, sous-sols, combles, et pièces dépourvues d’ouverture sur l’extérieur ne peuvent être mis à disposition aux fins d’habitation ; qu’en retenant, par motifs adoptés, que le lot n17 ne remplissait pas les conditions d’hygiène et de décence des locaux d’habitation, nonobstant l’existence d’ouvertures en partie haute du local, dès lors qu’il était situé en dessous du niveau du sol naturel, quand l’article L. 1331-22 du code de la santé publique exige seulement que le local destiné à l’habitation soit pourvu d’une ouverture sur l’extérieur, sans exiger qu’elle soit au niveau du sol naturel, la cour d’appel a violé ce texte en lui ajoutant une condition qu’il ne prévoit pas.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi considérant :

 

« Mais attendu qu’ayant, par motifs adoptés, relevé que le règlement de copropriété stipulait que les occupants de l’immeuble devaient observer et exécuter les règlements d’hygiène, de ville et de police, énoncé à bon droit qu’il résulte de l’article L. 1331-22 du code de la santé publique que les caves ne peuvent être mises à disposition aux fins d’habitation nonobstant l’existence d’ouvertures en partie haute et constaté, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, qu’un constat d’huissier de justice confirmait que le local était situé au-dessous de la surface du sol naturel et que les fenêtres situées en partie haute donnaient sur les parties communes extérieures au niveau du sol, ce qui n’était pas conforme au caractère “bourgeois” de la copropriété, laquelle ne comportait que de grands appartements tel que cela résultait du règlement de copropriété, la cour d’appel qui en a déduit, souverainement, l’existence d’une atteinte à la destination de l’immeuble et aux droits des copropriétaires et, exactement, une violation du règlement de copropriété, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».

 

En l’espèce, il est un fait que le copropriétaire était en droit de procéder à des travaux à l’intérieur de ses parties privatives sans autorisation de l’assemblée générale de sorte que la demande de remise présentée par le Syndicat des copropriétaires n’est pas fondée, comme cela est souvent le cas, sur une atteinte aux parties communes.

 

En revanche, le Syndicat des copropriétaires considérait que ces travaux avaient en revanche pour conséquence une atteinte à la destination de l’immeuble et aux droits des copropriétaires s’agissant en l’espèce et suivant les termes du règlement de copropriétaire d’un « immeuble bourgeois » ce qui s’opposerait à ce que celui-ci comporte un local à usage d’habitation situé au-dessous de la surface du sol naturel et dont les fenêtres situées en partie haute donnent sur les parties communes extérieures au niveau du sol.

 

Il est à noter que c’est ici non pas par référence immédiate au règlement de copropriété que la demande du Syndicat des copropriétaires est accueillie, mais par référence au préalable, aux dispositions du Code de la construction et de l’habitation par application desquelles la Cour caractérise ensuite, une atteinte à la destination de l’immeuble et donc au règlement de copropriété et consécutivement fait droit à la demande de remise en état.

 

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats

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