Clause de non-concurrence : mise en œuvre en cas de mobilité intra-groupe

Victoria GODEFROOD BERRA
Victoria GODEFROOD BERRA

 

Source : Cass., soc., 12 septembre 2018, n° 17-10.853

 

I – Retour sur le « fonctionnement » d’une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail

 

Objectif

 

Une clause de non-concurrence vise à limiter la liberté d’un salarié d’exercer, après la rupture de son contrat, des fonctions équivalentes chez un concurrent ou à son propre compte.

 

Conditions de validité

 

Pour être valide, une clause de non-concurrence doit respecter plusieurs conditions cumulatives énumérées par le droit prétorien et ci-après reprises.

 

1) La clause de non-concurrence doit être expressément visée dans le contrat de travail du salarié. A défaut, la liberté du salarié de mener après la rupture du contrat une activité professionnelle, même concurrente, doit primer sur la protection des intérêts de l’entreprise.

 

2) Elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’employeur (et non pas empêcher le salarié de trouver un emploi ailleurs).

 

3) La clause de non-concurrence doit être limitée :

 

(i) dans le temps (sans que la durée soit excessive) ;

(ii) dans l’espace (zone géographique déterminée) ; et

(iii) à l’activité spécifique du salarié.

 

4) En contrepartie de la limitation de liberté pour le salarié, l’employeur doit lui verser une contrepartie financière raisonnable.

 

Mise en œuvre

 

Dès lors qu’il est mis fin au contrat de travail, l’employeur peut choisir de :

 

lever l’option et ainsi « rendre sa liberté au salarié » ; ou

 

mettre en œuvre la clause de non-concurrence et par conséquent verser au salarié la contrepartie financière prévue conventionnellement pendant toute la durée de la période de non-concurrence.

 

Quid de la succession de contrats de travail au sein d’un même groupe ?

 

II – Sort d’une clause de non-concurrence en cas de succession de contrats de travail au sein d’un même groupe

 

Rappel des faits

 

Un directeur commercial a été engagé par une société A qu’il a quitté, suite à un protocole d’accord, le 30 juin 2007.

 

Le 1er juillet 2007, il signe un contrat de travail avec la société B qui appartient au même groupe. Ce contrat est rompu par rupture conventionnelle homologuée par l’autorité administrative début 2010.

 

Les deux contrats de travail comportaient une clause de non-concurrence (tous deux prévues pour une durée de deux ans).

 

Suite à la rupture de son second contrat de travail, le salarié a demandé à son premier employeur (la société A) le bénéfice de la contrepartie financière du respect de la clause de non-concurrence du contrat de travail qui le liait à elle.

 

Ce qui implique que juridiquement, le salarié entendait appliquer une suspension de la mise en œuvre de la clause de non-concurrence et donc de sa durée durant la période d’exécution de son second contrat de travail. En pratique, cela aurait impliqué qu’il aurait bénéficié de la contrepartie financière deux ans après la fin de son second contrat de travail, le délai reprenant au jour de la disparition de la cause de suspension.

 

Pas de suspension des effets de la clause de non-concurrence même en cas de mobilité intragroupe

 

Les juges du fonds suivis par la Cour de cassation ont rejeté les prétentions du salarié par l’attendu de principe suivant :

 

« Mais attendu que si la clause interdisant, avant l’expiration d’un certain délai, au salarié quittant une entreprise d’entrer dans une autre entreprise exerçant une activité similaire ne s’applique pas dès lors que les deux entreprises ne sont pas en situation réelle de concurrence mais appartiennent au même groupe économique, et que le passage du salarié de l’une à l’autre est le résultat d’une entente entre lui et ses deux employeurs successifs, elle reprend ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec le second employeur a été rompu, sans que ce délai puisse s’en trouver reporté ou allongé ».

 

Il faut retenir de cela qu’une clause de non-concurrence ne s’applique pas lorsque :

 

1) deux entreprises ne sont pas en situation réelle de concurrence mais appartiennent au même groupe ; et

 

2) le passage du salarié d’une entreprise à l’autre (appartenant au même groupe) résulte d’une entente entre lui et ses deux employeurs successifs.

 

Par conséquent, la clause de non-concurrence (dont la durée de mise en œuvre n’a pas été suspendue durant l’exécution du second contrat de travail) reprend ses effets (et notamment le droit à une contrepartie financière pour l’ancien salarié) après la fin du contrat de travail suivant à condition que son délai continue de courir.

 

En l’espèce, la fin du premier contrat de travail a été fixée au 30 juin 2007. Par conséquent, l’obligation de non-concurrence du salarié (deux ans) courait du 1er juillet 2007 au 1er juillet 2009 de sorte que la date de rupture de son second contrat de travail (début 2010) n’ouvrait plus droit au bénéfice de la contrepartie financière du respect de cette obligation.

 

Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence bien établie et ainsi résumée : le délai de l’obligation de non-concurrence de l’ancien salarié ne peut être ni reporté, ni allongé y compris en raison d’une succession de contrats de travail au sein d’un même groupe économique.

 

Victoria GODEFROOD-BERRA

Vivaldi-Avocats

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