Source : Cass. Com., 11 avril 2018, pourvoi n° 16-23.607 F-P+B+I
Il arrive relativement fréquemment qu’une procédure de saisie immobilière soit interrompue par l’ouverture d’une procédure collective.
C’est d’ailleurs la première raison d’ouverture des procédures collectives touchant les sociétés civiles immobilières.
A cet effet, le Code de Commerce prévoit expressément que, lorsque la société placée en procédure collective fait finalement l’objet d’une Liquidation Judiciaire, le Liquidateur peut être autorisé à reprendre la procédure de saisie immobilière.
Selon les dispositions de l’article L 642-18 du Code de Commerce, « la saisie immobilière peut alors reprendre son cours au stade où le jugement d’ouverture l’avait suspendu ».
Ce même article précise également que c’est le Juge-Commissaire qui fixe la mise à prix et les conditions essentielles de la vente.
De même, l’article R 642-24, vient compléter l’article précédent, et dispose :
« lorsque le Juge-Commissaire, en application du deuxième alinéa de l’article L 642-18 du Code de Commerce, autorise le Liquidateur à reprendre la procédure de saisie immobilière suspendue par le jugement d’ouverture de la procédure collective, il fixe la mise à prix des modalités de la publicité et des modalités de visite du bien ».
Dont acte : c’est donc le Juge-Commissaire qui fixe la mise à prix et les modalités de la vente.
Mais alors que se passe-t-il lorsque la mise à prix et les modalités de la vente ont déjà été fixées par le Juge de l’Exécution, préalablement à l’ouverture de la procédure collective ? La saisie immobilière, pour reprendre la rédaction de L642-18, reprend-elle « au stade où le jugement d’ouverture l’avait suspendu » ? C’est-à-dire en considérant que la mise à prix et le modalités de la vente sont déjà fixé, et que le juge commissaire ne doit pas les fixer de nouveau ?
C’est la question à laquelle devait répondre la Cour de Cassation dans les faits de l’espèce.
A ce titre, deux interprétations s’affrontaient :
– La thèse de la débitrice qui soutenait que le texte prévoit expressément la compétence du Juge-Commissaire pour fixer les modalités de la vente ;
– La thèse du Liquidateur ayant repris la saisie, qui soutenait que la procédure de saisie reprend là où elle avait été interrompue au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective.
La Cour de Cassation retient la première argumentation, confirmant que « lorsque le Juge-Commissaire autorise le Liquidateur à reprendre la procédure de saisie immobilière suspendue par le jugement de Liquidation Judiciaire, il fixe, quel que soit le stade auquel la procédure de saisie immobilière est arrêtée, la mise à prix, les modalités de la publicité et les modalités de visite du bien, de sorte que, saisi par les faits évolutifs de l’appel, il (la Cour d’Appel) lui incombait de compléter en ce sens l’ordonnance du Juge-Commissaire ».
Il s’agit là d’une décision importante et somme toute assez logique : entre la date d’interruption de la saisie immobilière, et sa reprise par le Liquidateur Judiciaire, il pourra s’être écoulé un temps certain, par exemple si une procédure de Redressement Judiciaire a, dans un premier temps, été ouverte avant la Liquidation.
De sorte que les conditions de la vente, la valeur de l’immeuble ou encore l’intérêt des créanciers pourraient conduire à la fixation d’une mise à prix différente.
Il s’agit en tout cas là d’une décision particulièrement importante, qui est d’ailleurs l’objet de la publication la plus large par la Cour de Cassation (P, B, I).
Les praticiens ne s’y tromperont pas.
Etienne CHARBONNEL
Associé
Vivaldi-Avocats