Hypothèque pour autrui : l’article 2314 du code civil est inapplicable

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. civ. 3ème, 12 avril 2018, n° 17-17.542, FS-P+B+I

 

I – Le texte visé

 

L’article 2314 du Code civil dispose que : « La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

 

II – Les faits

 

Un particulier a consenti une hypothèque sur un immeuble, pour garantir la dette d’une entreprise tierce. Celle-ci est liquidée, autorisant le créancier à diligenter une procédure de saisie-immobilière. Le constituant s’y oppose.

 

Parmi plusieurs griefs, le garant reproche notamment au créancier, dans les droits duquel il est subrogé, de ne pas avoir déclaré sa créance lors de la procédure collective dont a fait l’objet le débiteur.

 

Il en résulterait, sur le fondement de l’article 2314 du Code civil précédemment cité, qu’il serait en droit de solliciter sa décharge en raison du comportement du créancier. Les juges du fond n’ont pas suivi ce raisonnement.

 

III – L’arrêt de rejet

 

Saisi d’un pourvoi sur cette question, la Cour de cassation confirme les juges d’appel, qui ont à bon droit écarté le droit du cautionnement à l’hypothèque pour autrui, sûreté n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui. Le pourvoi est rejeté.

 

IV – Hypothèque pour autrui : sûreté exclusivement réelle, ou sûreté hybride ?

 

Pour la Haute juridiction, le tiers constituant d’une sûreté réelle pour autrui ne peut invoquer le droit du cautionnement, car n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui.

 

Et contrairement à la croyance commune, l’affectation d’un bien à la garantie de paiement d’une dette n’est pas un cautionnement réel. La Cour de cassation, de façon litanique, nous rappelle que les règles du cautionnement ne s’appliquent donc pas.

 

La décision ici commentée n’est qu’un opus supplémentaire à un débat qui n’en est plus un. En d’autres termes, une hypothèque ne peut être soumise qu’au droit de l’hypothèque, et non au droit du cautionnement. Toutes les spécificités du droit du cautionnement sont en conséquence exclues :

 

– L’article 1415 du Code civil (accord exprès du conjoint pour engager la communauté dans un cautionnement)[1] ;

 

– Les obligations d’information de la caution[2], et de mise en garde[3] ;

 

– Les exigences de proportionnalité[4] ;

 

– Le bénéficie de discussion et de division[5] ;

 

– La stipulation d’une solidarité à l’égard du constituant n’est pas à même de faire émerger une obligation personnelle[6].

 

Même si la Cour de cassation demeure inflexible sur sa position depuis maintenant plusieurs années, à juste titre, le débat reste ouvert en doctrine sur la nature du cautionnement réel. Est-ce une sûreté réelle ou une sûreté personnelle ? Trois visions s’opposent :

 

– Soit le tiers garant s’oblige, d’une part, à payer la dette du débiteur et constitue, d’autre part, une sûreté réelle sur l’un de ses biens en garantie de la même dette ;

 

– Soit le tiers s’oblige pareillement à payer la dette et contre garantit son propre engagement de caution par une sûreté réelle ;

 

– Soit le tiers consent seulement une sûreté réelle.

 

Notre choix porte évidemment sur cette dernière proposition.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats



[1] Cass. mixte, 2 déc. 2005, n° 03-18210, P

[2] Cass. com., 7 mars 2006, n° 04-13.762, FS+P+B+R+I 

[3] Cass. com. 24 mars 2009, n° 08-13.034

[4] Cass. civ. 1ère 7 mai 2008, n° 07-11.692, F-P+B

[5] Cass. civ. 1ère, 25 novembre 2015, n° 14-21.332, F-P+B.

[6] Cass. civ. 1ère, 29 févr. 2000, n° 98-10.902

 

 

 

 

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