Source : Cass. Com., 24 janvier 2018, pourvoi n° 16-20.197 F-P+B.
Les Ordonnances du Juge Commissaire ne sont pas portées à la connaissance de toutes les parties de la même manière. En effet, l’article R. 621-21 du Code de Commerce prévoit que les Ordonnances sont « communiquées au Mandataire de Justice et notifiées aux parties ».
Toute la difficulté est que ce même article R. 621-21 prévoit dans son alinéa suivant que : « ces Ordonnances peuvent faire l’objet d’un recours devant le Tribunal dans les 10 jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé, ou adressées par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au Greffe ».
Se pose alors la question de la vérification du point de départ du délai, pour le Mandataire judiciaire, pour lequel le Greffe n’est pas tenu de procéder par voie de lettre recommandée avec demande d’avis de réception et dont la date de communication ne peut donc quasiment jamais être connue avec certitude.
Dans le cas d’espèce, la décision du Juge Commissaire portait sur une demande de revendication formulée par un créancier. Le Juge Commissaire fait droit à la demande et l’Ordonnance est notifiée au créancier, mais simplement communiquée au Mandataire.
Le créancier adresse alors au Liquidateur une lettre recommandée avec demande d’avis de réception en visant l’Ordonnance du Juge Commissaire.
Le Mandataire finit par former un recours à l’encontre de l’Ordonnance, que la Cour d’Appel écarte comme étant irrecevable, dans la mesure où le recours a été formé au-delà du délai de 10 jours à compter de la réception de la lettre recommandée du créancier.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, considérant que la lettre recommandée n’a eu aucun effet sur le délai de recours. Elle rend son arrêt au visa de l’article R. 621-21, qui ne prévoit donc qu’une notification à l’égard du Juge Commissaire, mais également au visa de l’article 651 du Code de procédure civile, en son alinéa 3, qui prévoit quant à lui que « la notification peut toujours être faite par voie de signification, alors même que la loi l’aurait prévu sous une autre forme ».
C’est-à-dire que le créancier peut tout à fait faire en sorte que le délai de recours commence à courir, avec date certaine, à l’égard du Mandataire, mais non pas par le biais d’une lettre recommandée, mais bien par celui d’une signification par voie d’Huissier de Justice. C’est le droit commun des significations des décisions de justice.
L’arrêt est quelque peu sévère en ce qu’il valide une vraie différence de traitement entre les différentes parties au litige, au sein desquelles le Mandataire judiciaire n’est clairement pas traité à la même enseigne. Celui-ci, à l’inverse des autres parties, peut bien se prévaloir des dates de notification qu’est en mesure de lui transmettre le Greffe. Les autres parties, quant à elles, ne peuvent se satisfaire de la simple communication du Greffe et sont à l’inverse tenues de signifier la décision, pour s’assurer du point de départ du délai.
Très clairement, la décision de la Cour de cassation est tout à fait « orthodoxe » dans son approche de la solution juridique. Mais elle n’est clairement pas satisfaisante, car elle ne résout pas la distorsion originelle créée par le texte.
Pour autant l’arrêt est appelé à la plus large publicité, puisqu’il porte les mentions FS-P+B+I.
Etienne CHARBONNEL
Associé
Vivaldi-Avocats