A quelles conditions un photographe professionnel peut il bénéficier du taux réduit de la TVA ?

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

  

Source : CE 20/02/2018, n°400837

 

Par principe, un photographe qui réalise des photographies qu’il vend par la suite soit aux personnes qu’il a photographiées soit à un public plus large entre dans le champ d’application de la TVA dès lors qu’il réalise ces prestations à titre onéreux (il obtient une contrepartie au service qu’il rend) en qualité d’assujetti agissant en tant que tel (il exerce de façon indépendante une activité économique).

 

Le taux applicable est à défaut le taux de droit commun (20%).

 

En l’espèce, le photographe, qui réalise principalement des photos de mariage et portraits pour particuliers, appliquait le taux réduit (5.5%) estimant qu’il relevait de l’article 278 septies 2° du CGI (dispositions aujourd’hui reprises par l’article 278-0 bis du même code) qui soumet à ce taux « Les livraisons d’œuvres d’art effectuées par leur auteur ou ses ayants droit ».

 

C’est l’article 98 A de l’annexe III du CGI qui définit la notion d’œuvre d’art appliquée à la photographie : « Photographies prises par l’artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus ».

 

L’administration fiscale a remis en cause l’application de ce taux réduit, position qui a été confirmé par les juridictions administratives qui ont considéré que « quelle que soit leur qualité, les portraits et les photographies de mariage en litige ne présentaient pas un caractère d’originalité et ne manifestaient pas une intention créatrice, susceptibles de les faire regarder, ne serait ce qu’en partie, comme des photographies prises par un artiste ».

 

En d’autres termes, les photographies en litige ne pouvaient être considérées comme des œuvres d’art du fait de leur sujet. Les photographies prises ne pouvaient donc pas être originales ni révéler l’intention créatrice du photographe, qualités requises selon les juridictions pour être considérées comme des œuvres d’art et bénéficier du taux réduit de TVA.

 

La question est très délicate puisqu’elles amènent les juridictions du fond à se prononcer, non pas tant sur la qualité des photographies, mais plutôt sur leur intérêt et leur mérite qui leur permettraient d’entrer dans la catégorie, pour le moins sujet à interprétation, d’œuvres d’art.

 

Finalement, on se demande s’il existe une définition juridique de l’œuvre d’art

 

Le Conseil d’Etat, conscient de la difficulté, botte en touche en saisissant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) pour qu’elle interprète le texte communautaire à l’origine du texte applicable en droit français.

 

Il pose à la CJUE les questions suivantes :

 

la directive 2006/112/CE doit elle être interprétées en ce sens qu’elle impose seulement que les photographies respectent les conditions transposées en droit français à l’article 98 A de l’annexe III du CGI pour bénéficier du taux réduit ?

 

Si oui, les Etats membres peuvent ils, au sein de leur propre législation, introduire une condition supplémentaire en excluant du bénéfice du taux réduit les photographies dépourvues de caractère artistique ?

 

Si non, quelles sont les conditions que doivent remplir les photographies (outre celles posées en droit français par l’article 98 A de l’annexe III du CGI) pour bénéficier du taux réduit et comment ces conditions (notamment un caractère artistique) doivent être interprétées ?

 

La réponse par l’affirmative à la première question rendrait beaucoup plus simple l’application du taux réduit en matière de livraison de photographies considérées comme des œuvres d’art puisque les conditions transposées à l’article 98 A de l’annexe III du CGI pour bénéficier du taux réduit qui sont des critères objectifs facile à contrôler (conditions du tirage, nombre d’exemplaire et signature).

 

Affaire à suivre…

 

Caroline DEVE

Vivaldi-Avocats

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