Source : Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 18 octobre 2017 n° pourvoi 15-27136.
En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner toute mesure appropriée de publicité du Jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extrait dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise, ces mesures étant ordonnées au frais du contrefacteur.
En l’espèce, la société NORMALU avait été condamnée en 1ère instance et en appel pour contrefaçon d’un brevet dont la société NEWMAT est titulaire, la Cour ayant ordonné par la même occasion une mesure de publication de son dispositif « dans trois journaux ou périodiques au choix de la société NEWMAT et aux frais de la société NORMALU à concurrence de 3 500 € HT par insertion ».
Seulement, la société NEWMAT a décidé de substituer à la mesure de publication ordonnée par la Cour, une mise en ligne sur son site internet d’un document intitulé « note d’information juridique NEWMAT contre NORMALU – condamnation pour contrefaçon de brevet portant sur une pièce profilée pour l’accrochage d’un plafond tendu » contenant le dispositif du Jugement.
La société NEWMAT a considéré cette mise en ligne comme constituant un acte de dénigrement commis à son égard et non autorisé par l’arrêt de la Cour ayant reconnu l’existence d’actes de contrefaçon.
C’est dans ce contexte que la Cour de Cassation a dû s’interroger sur la question de savoir si une décision de justice, par nature publique, pouvait faire l’objet de publication par la partie gagnante au-delà des prescriptions du dispositif.
La Haute Juridiction rend une décision mesurée en ce qu’elle retient que les décisions de justice sont publiques et que les mesures de publicité ordonnées par une décision judiciaire ne sont pas exclusives du droit pour la victime de procéder à d’autres publications à ses frais de la condamnation obtenue, sauf abus susceptible de caractériser un acte de concurrence déloyale.
Ainsi, si par principe la victime peut publier une décision au-delà des prescriptions du dispositif, il doit le faire avec mesure de façon à ne pas tromper le lecteur sur la portée exacte de la décision ou sur ses motifs, la faute étant ainsi appréciée in concreto.
En l’espèce, la Cour de cassation retient que la Cour d’appel a légalement justifié sa décision en retenant par une appréciation souveraine des éléments de fait qui lui étaient soumis que le texte mis en ligne était neutre dans sa présentation, ne comportait aucun commentaire, mais que s’agissant des deux exceptions apportées à la reproduction du dispositif du Jugement, la seconde augmentait l’impact de la publicité donnée au Jugement au-delà des limites résultant des termes mêmes de son dispositif, de sorte que cette présentation était de nature à tromper le lecteur sur la portée exacte de la décision ou sur ses motifs, emportant une faute constitutive de concurrence déloyale au préjudice du contrefacteur.
Virginie PERDRIEUX
Vivaldi-Avocats