Cession de créance Dailly : pas de restrictions contractuelles possibles

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

SOURCE : Cass. com., 11 octobre 2017, n°15-18.372, FS-P+B+I

 

I – Les faits

 

Bénéficiant d’une convention d’escompte de créances professionnelles, une société cède à sa banque les créances qu’elle détient sur une société cliente. Conformément à l’article L. 313-28 du Code monétaire et financier, cette cession est notifiée au débiteur cédé, par lettres recommandées.

 

Cette notification a emporté révocation du mandat de recouvrement confié par le cessionnaire au cédant. Par conséquent le débiteur cédé ne pouvait plus se libérer qu’entre les mains du cessionnaire, à défaut de quoi son paiement n’était pas libératoire.

 

Malgré cette notification, le débiteur cédé paie les factures au cédant. Le cessionnaire se voit contraint d’assigner le débiteur cédé en paiement. En défense, celui-ci oppose principalement la nullité de la cession, et soutient subsidiairement qu’elle lui est inopposable, faute de respecter les stipulations du marché conclu avec le cédant.

 

Le contrat prévoit en effet que « toute cession de créance à une banque ou à une société de factoring intervenant et présentée sans le préavis minimal d’un mois sera réputée nulle et non avenue ». En outre, la notification de la cession n’est pas faite au domicile qu’il a élu selon d’autres stipulations du marché.

 

Les juges du fond ne sont pas convaincus par cette argumentation, et condamnent le débiteur cédé au paiement. Le débiteur cédé se pourvoit en cassation.

 

II- L’arrêt de rejet

 

Le débiteur cédé invoque devant la Cour de cassation deux séries d’arguments :

 

Le bordereau de cession comporte des mentions erronées. Or, selon le dernier alinéa de l’article L.313-23 du Code monétaire et financier, le bordereau de cession doit comporter certaines mentions à défaut desquelles l’acte, qui ne vaut pas cession ou nantissement de créances professionnelles, est inopposable au débiteur cédé. La Cour de cassation conforte les juges du fond et reprend même à son compte leur raisonnement : « après avoir constaté que le bordereau comportait la mention des articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier, exigée par l’article L. 313-23, 2°, du même code, mais aussi celle, non exigée, des articles R. 313-15 à R. 313-18, l’arrêt retient à bon droit que l’ajout de ces textes réglementaires, fussent-il abrogés, n’a pas d’incidence sur la validité et, surtout, sur l’opposabilité de la cession ». L’article L.313-23 exige, parmi les mentions devant obligatoirement figurer sur le bordereau (2°) : « La mention que l’acte est soumis aux dispositions des articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier ». Cet article ne se réfère pas à d’autres dispositions, en particulier à celles de nature réglementaire. Le fait que le bordereau se réfère à ces dernières, en l’espèce, ne remet pas en cause la validité de la cession. Le débiteur cédé n’a pas pu être induit en erreur sur la portée de son engagement.

 

Le second argument tient à ce que la notification serait sans effet, car effectuée à une adresse non conforme. L’argument est balayé par la Cour de cassation, compte tenu du fait que, de toute façon, le débiteur cédé avait eu connaissance effective de la notification. Le lieu où celle-ci intervient effectivement est donc indifférent. La Haute juridiction affirme, en effet : « ayant retenu que la société Air France avait eu une connaissance effective de la notification de la cession et ne pouvait se méprendre sur les conséquences de celle-ci, la cour d’appel a pu en déduire qu’il importait peu que cette notification n’ait pas été effectuée au domicile élu par la société Air France dans le marché de travaux ».

 

Le pourvoi est rejeté.

 

III – Que retenir ?

 

La cession de créance s’opère selon le Code monétaire et financier, sans possibilité pour le débiteur de pouvoir y faire obstacle par la convention qui le lie au cédant. Pour la Cour de cassation, on peut se demander si les textes ne sont pas d’ordre public, puisqu’aucune dérogation contractuelle n’est admise. La Cour régulatrice ne va pas encore jusque là. Admettre l’argument inverse, ce serait concevoir que le débiteur puisse notifier le contrat et ses restrictions, aux établissements bancaires susceptibles de devenir cessionnaires. Dans une telle hypothèse, le cédant n’aura cas s’adjoindre les services d’un autre établissement financier.

 

La Cour de cassation édite ici une règle de protection du banquier, qui n’a pas à souffrir des risques d’impayés au seul motif qu’il serait ignorant des restrictions contractuelles liant débiteur cédé et cédant. Dans la même veine, la Cour de cassation a déjà écarté la clause stipulant l’interdiction du cessionnaire de céder des créances, sans l’accord du débiteur cédé[1]. L’arrêt ci-commenté confirme la position de la Cour régulatrice : en matière de cession Dailly, c’est la Loi et rien que la Loi. Sa position semble donc pencher un peu plus vers une protection de type ordre public économique, pour ne pas gripper la cession Dailly.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats


[1]Cass. com., 21 novembre 2000, n°97-16.874, FS-P

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