Activité connexe ou complémentaire : Forme et contenu de la réponse du bailleur

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 9 février 2017, n°15-28759, Publié au Bulletin

 

Tout preneur à bail commercial peut adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires (Article L145-47 c.com.) c’est-à-dire, selon la jurisprudence, puisque les notions ne sont pas définies par le législateur, des activités qui ont un rapport étroit entre elles (connexité) ou sont nécessaires à un meilleur exercice de l’activité (complémentaire).

 

Ce droit est d’ordre public, toute clause contraire étant réputée non écrite (article L145-15 c.com.)

 

Pour faire valoir ses droits, le preneur doit toutefois, impérativement, signifier sa demande par acte extrajudiciaire ou, depuis la Loi MACRON, la notifier par LRAR au bailleur.

 

S’il ne le fait pas et développe l’activité, il expose son bail à la résiliation[1], quand bien même l’activité serait habituellement reconnue par la jurisprudence comme connexe ou complémentaire, le juge saisi d’une demande de constat de la résiliation du bail pour violation de la clause destination, n’ayant pas à se prononcer sur le droit à déspécialisation simple du preneur.

 

A réception de la demande du preneur, le bailleur dispose d’un délai de deux mois pour contester le caractère connexe ou complémentaire de la nouvelle activité. A défaut, il est déchu du droit à refuser au preneur de développer l’activité envisagée.

 

Il ressort de la jurisprudence que la réponse à la demande n’a pas à respecter de forme particulière tant de délivrance (le refus pouvant être adressé par LRAR[2], que de contenu, le refus n’ayant pas à contenir les motifs sur lesquels il se fonde[3]. Dans ce contexte, il importe peu que le refus du bailleur porte du d’autres motifs que celui de la connexité[4]

 

Un preneur avait toutefois conclu à l’inefficacité de la lettre simple reçue du bailleur, par laquelle ce denrier s’opposait à la demande de déspécialisation simple.

 

La Cour d’appel de Grenoble relève que la lettre simple du bailleur, dont la réception n’est pas discutée, vaut opposition à la demande de déspécialisation.

 

Les juges du fond en déduisent que la déchéance prévue à l’article L145-47 n’était pas encourue, ce que confirme la Cour de cassation.

 

Si le bailleur pouvait maintenir son opposition, au développement de l’activité envisagée, ce refus était susceptible d’être critiqué devant les tribunaux, puisque le bailleur ne peut s’opposer au développement d’une activité connexe ou complémentaire. Le preneur a donc saisi les juridictions d’une demande tendant à voir reconnaître la connexité de l’activité « vente – pose et réparation de pneumatiques » de celle d’ « entretien et réparation automobile ».

 

Sa position n’est pas partagée par le Cour d’appel de Grenoble, qui considère que les deux activités ne sont ni connexes, ni complémentaires.

 

Pour la connexité

 

Le lien de connexité suppose une similitude ou une dépendance des activités en cause et des méthodes de travail qu’elles impliquent[5] ;

 

Pour la complémentarité

 

Le lien de complémentarité s’entend d’activités nouvelles accessoires, susceptibles de favoriser le développement de celles qui sont déjà exercées sans en modifier la nature[6]. Il s’agit « du prolongement raisonnable permettant au locataire un meilleur exercice de l’activité principale afin de mieux se défendre contre la concurrence et de suivre non seulement l’évolution technique mais également l’évolution des usages commerciaux et des attentes de la clientèle »[7].

 

De plus, l’activité connexe ou complémentaire ne doit pas être différente de l’activité initiale dans sa nature, son mode d’exploitation, son installation ou le genre de clientèle à laquelle elle s’adresse[8].

 

L’appréciation du caractère connexe ou complémentaire de l’activité relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Dans le domaine de l’automobile, contexte de l’espèce, la réparation de voitures avec atelier de carrosserie et de peinture a été jugée ni connexe ni complémentaire de l’activité « garagiste sans réparation avec poste d’essence »[9] ou encore de « mécanique automobile »[10] stipulée dans les baux.

 

En l’espèce, le preneur (Midas) affirmait au juge grenoblois que l’activité de pneumatique présente un caractère connexe ou complémentaire avec l’activité autorisée par le bail, c’est-à-dire l’entretien et la réparation automobiles, dès lors que l’activité sollicitée garde un lien avec l’activité initiale, est exercée par le même exploitant et qu’elle est liée à la nature même de ces activités et à l’objet du commerce exercé.

 

La Cour d’appel de Grenoble n’est pas de cet avis. Elle considère, certes, que l’activité « pneumatiques » concerne les véhicules, tout comme l’entretien et la réparation automobiles, et est utile à la même clientèle d’automobilistes. En revanche, elle ne présente « pas de rapport étroit avec l’activité initiale et n’est pas non plus nécessaire à un meilleur exercice de l’activité principale ».

 

Les juges du fond relèvent également que « les usages locaux distinguent facilement les lieux commerciaux destinés aux pneumatiques, répondant à la seule fonction de roulement du véhicule, et nécessitant des matériels, des matériaux et des méthodes de travail spécifiques, distincts de ceux dédiés notamment à la mécanique, l’échappement ou la suspension ».

 

La Cour d’appel en déduit que l’activité « vente, pose et réparation de pneumatiques » n’est ni connexe ni complémentaire de l’activité « entretien et réparation automobile ».

 

Le pourvoi formé contre cette appréciation souveraine, suffisamment motivée, est naturellement rejeté.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1] 3ème civ, 3 juillet 1985, n°84-11.807, SA des transports Deguet c/ Leday, Bull civ III n°107

[2] 3ème civ, 6 mars 1973, n°72-10.454

[3] 3ème civ, 23 avril 1974, n°73-11.437

[4] 3ème civ, 6 mars 1973 préc.

[5] CA CAEN, Ch 1 section civile, 30 janvier 1996, jurisdata n°1996-041191

[6] CA CAEN, 30 janvier 1996 préc., Cf également CA CAEN, Ch 2 section civile et commerciale, 13 septembre 2012, n°11/01479

[7] CA PARIS, 10 février 2010, n°08/20479

[8] 3ème civ, 29 octobre 1970, n°69-11211

[9] 3ème civ, 17 mars 1971, Cano c/ Villedieu, Bull civ III n°191

[10] 3ème civ, 4 février 1997, n°196 D Sté Auto Agde c/ SCI de la Palette

 

 

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