SOURCE : Cass. Soc., 25 janvier 2017, Arrêt n°14-26.071 – (FS-P+B)
Un salarié avait été embauché en qualité de conducteur poids lourds par un contrat à durée indéterminée du 21 février 2006, soumis à la convention collective nationale des transports routiers.
Le contrat de travail signé par le salarié précisait que celui-ci s’engageait à prévenir, sans délai, son employeur en cas de modification de la validation de son permis de conduire et notamment nombre de points restant, visite médicale, obtention de sa FCOS…, l’employeur précisant au contrat qu’il considérerait comme une faute la conduite de l’un des véhicules en cas d’omission ou de fausse déclaration.
Le salarié, victime d’un accident du travail le 15 février 2011, a été licenciement pour faute grave le 18 mars 2011, l’employeur lui reprochant d’avoir conduit un véhicule de l’entreprise entre le 1er février et le 1er mars 2011, alors que son permis de conduire n’était plus valide, faute de renouvellement du certificat médical d’aptitude venu à expiration le 24 janvier 2011, fait constaté le 02 mars 2011 à l’occasion de la remise, par le salarié, d’un certificat médical régularisé, l’employeur ayant exigé par écrit la présentation de ce document administratif par courriers des 1er et 24 février 2011, ce qui avait incité le salarié à prendre les dispositions nécessaires pour la régularisation de sa situation administrative.
Contestant son licenciement, le salarié va saisir la Juridiction Prud’homale pour demander la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes à titre indemnitaire, estimant son licenciement abusif.
S’il obtient gain de cause en première instance, en cause d’appel, la Cour d’Appel de LYON, dans un Arrêt du 03 septembre 2014, relevant que la carence du salarié dans l’une des obligations essentielles de son contrat de travail a fait encourir à l’entreprise des risques considérables en raison de la violation des règlements en matière de circulation et d’assurance, l’exposant à des poursuites pénales, ainsi qu’à l’immobilisation des véhicules conduits par leur salarié et de leur chargement, va considérer que les agissements du salarié ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte que la faute grave est pleinement justifiée.
La Cour considère, en outre, qu’en exposant délibérément l’employeur aux conséquences gravissimes de la conduite d’un véhicule poids lourd de l’entreprise par un conducteur dépourvu d’un permis de conduire valable, le salarié a exécuté de façon déloyale le contrat de travail et le condamne à une somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts.
Ensuite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en Cassation.
Bien lui en prit puisque la Chambre Sociale, énonçant le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, et relevant que pour condamner le salarié à payer à son employeur une somme à titre de dommages et intérêts, l’Arrêt d’Appel retient qu’en exposant délibérément l’employeur aux conséquences gravissimes de la conduite d’un véhicule poids lourd de l’entreprise par un conducteur dépourvu de permis valable, ce salarié a exécuté de façon déloyale le contrat de travail, et qu’en statuant ainsi alors qu’elle décidait que le licenciement du salarié était fondé sur une faute grave, la Cour d’Appel qui n’a pas retenu l’existence de faits distincts de ceux visés par la lettre de licenciement susceptibles de caractériser une faute lourde, a visé le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut résulter que de sa faute lourde.
Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’Arrêt d’Appel, mais seulement en ce qu’il a condamné le salarié à payer à son employeur une somme à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
En substance, dès lors que le salarié a été licencié pour faute grave et que cette qualification est définitive, le Juge ne peut admettre la responsabilité pécuniaire de l’intéressé que s’il retient l’existence de faits, distincts de ceux visés par la lettre de licenciement, susceptibles de caractériser une faute lourde.
Dans la mesure où l’on sait que les faits énoncés par la lettre de licenciement fixent les limites du litige, la responsabilité pécuniaire du salarié paraît dès lors très difficile à mettre en œuvre.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats