Transfert d’une sûreté dans le cadre d’un plan de cession : que doit payer le cessionnaire ?

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 29 novembre 2016, n°15-11.016, F-P+B

 

I – Rappel du principe

 

L’article L.642-12, alinéa 4, du Code de commerce dispose que :

 

« L a charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d’un crédit consenti à l’entreprise pour lui permettre le financement d’un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire. Celui-ci est alors tenu d’acquitter entre les mains du créancier les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de la propriété »

 

L’arrêt commenté ici précise l’application de ce texte, et notamment le périmètre de l’obligation pour le cessionnaire de s’acquitter des échéances restant dues à la date de transfert de propriété.

 

II – Les faits de l’espèce

 

Une banque a consenti à une société (la débitrice), par un acte du 17 décembre 2004, un prêt garanti par un nantissement sur les outillages et matériels financés, remboursable en 20 trimestrialités. La débitrice, qui a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, convertie en redressement judiciaire par un jugement du 10 mars 2009, a bénéficié d’un plan de redressement arrêté par un jugement du 31 août 2010, qui prévoyait le rééchelonnement de la dette en 10 ans, avec maintien du nantissement. Le 6 janvier 2012, le tribunal a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la société débitrice puis, le 27 mars 2012, a arrêté un plan de cession.

 

Faisant valoir que la société cessionnaire ne s’était pas acquittée des sommes qu’elle devait au titre des échéances du prêt mises à sa charge, la banque l’a assignée en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du prêt, et paiement du solde. Pour faire droit à la demande de la banque, la Cour d’appel de Nancy a retenu que l’article L.642-12, alinéa 4, du Code de commerce oblige le repreneur à s’acquitter des échéances restant à échoir, après le transfert à son profit du bien grevé acquis grâce à un prêt, dès lors que les obligations restant dues sont nées instantanément.

 

III – L’arrêt de cassation

 

En désaccord sur cette interprétation du texte, le cessionnaire a formé un pourvoi. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa du texte rappelé ci-avant :

 

« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les sommes réclamées par la banque à la [cessionnaire] correspondaient à des échéances du prêt non encore exigibles à la date du transfert de la propriété des outillages et matériels nantis ou à un arriéré dû à cette date sur des échéances laissées impayées par la société [débitrice], la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »

 

À quelle date faut-il se placer pour évaluer les sommes dues par le cessionnaire d’un bien grevé dans le cadre d’un plan de cession ? À la date de naissance de la créance de remboursement ? À celle de son exigibilité ?

 

La Haute juridiction clarifie la question : c’est bien la date d’exigibilité des échéances qui est à prendre en compte, laquelle, pour que la charge pèse sur le cessionnaire, doit être postérieure à la date du transfert de propriété du bien grevé à ce dernier.

 

IV – La portée de cette décision

 

Même s’il s’agissait ici d’un contrat de prêt, contrat à exécution instantanée, dont le fait générateur des créances se situe donc dès sa conclusion, le texte spécial de l’article L.642-12, alinéa 4 du Code de commerce évoque bien des « échéances convenues […] qui restent dues à compter du transfert de propriété ». 

 

Ainsi, dans le cadre particulier du transfert de la charge des sûretés réelles spéciales garantissant un crédit octroyé pour le financement du bien grevé, on ne peut pas raisonner par analogie avec la cession judiciaire des contrats prévue par l’article L.642-7 du Code de commerce. En effet, la Chambre commerciale a déjà pu préciser que le contrat de prêt ne peut pas être cédé au cessionnaire de l’entreprise sur le fondement de l’article L.642-7 du Code de commerce, faute de constituer un contrat en cours au jour de l’ouverture de la procédure collective, au sens de l’article L.622-13 du Code de commerce[1].

 

Enfin, une telle cession ne valant pas novation par substitution de débiteur, seul l’accord exprès du créancier permet de déroger aux principes énoncés ci-avant.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats



[1] Cass. com., 9 févr. 2016, n°14-23.219, F-P+B

 

 

 

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