Clause de remboursement anticipé d’un crédit immobilier : régime juridique et encadrement légal de son coût

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. civ. 1ère, 29 juin 2016, n°15-16945

 

I –. Les faits

 

En 2007, des emprunteurs souscrivent un prêt immobilier auprès d’une banque. En 2009, ils sollicitent un décompte en vue d’un remboursement par anticipation de leur prêt, puis règlent une somme à la banque, qui leur avait réclamé un complément. En désaccord sur le décompte produit, et estimant abusives et illicites deux clauses du contrat de prêt, les emprunteurs assignent la banque en restitution d’un trop perçu.

 

Les juges du fond déclarent illicite la clause du contrat prévoyant la capitalisation de tous les intérêts échus non payés de la somme prêtée. En outre, ils réduisent le montant de l’indemnité de remboursement anticipé, l’analysant juridiquement comme une clause pénale, révisable par le juge en application des articles 1152[1] et 1226 du Code civil[2].

 

La banque se pourvoie en cassation.

 

II –. L’arrêt

 

La Cour de cassation rend un arrêt de cassation partielle. Elle rejette d’abord le premier moyen développé par la banque sur l’indemnité de remboursement par anticipation qui, en dehors des coûts listés par les articles L.312-21 à L.312-22 du Code de la consommation[3], n’admet aucun frais supplémentaire (la limite est fixée par décret), excluant ainsi l’anatocisme conventionnel.

 

Cependant, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel sur le second moyen, et juge que ne constitue pas une clause pénale l’indemnité mise par le contrat de prêt à la charge de l’emprunteur en cas de remboursement anticipé, laquelle n’a pas pour objet d’assurer l’exécution des obligations de l’emprunteur, mais de compenser le manque à gagner du prêteur.

 

III –. La portée de la décision

 

En ce qui concerne la distinction entre clause de remboursement anticipé et clause pénale, la décision n’est pas nouvelle, puisque la jurisprudence est constante sur la question depuis le début des années 1990[4].

 

Pratiquement, il s’agit bien d’un différé contractuel et mathématique de paiement d’intérêts, le plus souvent rencontré dans les prêts à échéances de remboursement progressives. Il permet au banquier d’amoindrir son manque à gagner qui – spécialement en période de baisse des taux d’intérêts – se concrétisera par un nouvel emploi moins rémunérateur des fonds restitués trop tôt.

 

Le jeu de la clause de remboursement anticipé est la contrepartie pécuniaire d’un service consenti à l’emprunteur, et non la sanction d’une inexécution contractuelle par celui-ci. Il ne vise qu’à porter la rémunération du prêteur à un montant conforme au taux moyen d’intérêt convenu. Partant, la clause demeure intangible, et le juge ne peut la minorer. Cette analyse doit être approuvée.

 

Il faut préciser toutefois que les modalités de calcul des intérêts compensatoires dus en cas de remboursement anticipé d’un prêt immobilier à intérêts progressifs doivent être mentionnées dans l’offre préalable de crédit, pour que l’établissement de crédit prêteur puisse en exiger le paiement[5].

 

Sur l’impossibilité d’y ajouter la capitalisation des intérêts échus non encore payés, le droit de la consommation écarte une nouvelle fois l’application d’une règle générale issue du droit commun. La Cour de cassation a déjà, là aussi, veillé à l’application stricte de la règle de droit[6], pour éviter que les sommes exigées de l’emprunteur n’équivalent à une véritable interdiction des remboursements par anticipation (avant les lois Scrivener de 1978 et 1979, une clause interdisant purement et simplement à l’emprunteur le remboursement par anticipation était licite !). De même, la clause qui impose à l’emprunteur un préavis de deux mois pour rembourser par anticipation un prêt personnel est illicite[7].

 

Depuis le 1er juillet 2016, en matière de remboursement anticipé de crédit immobilier, il faut désormais se référer à l’article L.313-47 du Code de la consommation, disposant que :

 

« L’emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, les prêts régis par les sections 1 à 5 du présent chapitre. Le contrat de prêt peut interdire les remboursements égaux ou inférieurs à 10 % du montant initial du prêt, sauf s’il s’agit de son solde.

 

Si le contrat de prêt comporte une clause aux termes de laquelle, en cas de remboursement par anticipation, le prêteur est en droit d’exiger une indemnité au titre des intérêts non encore échus, celle-ci ne peut, sans préjudice de l’application de l’article 1152 du code civil, excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret.

 

Le prêteur communique gratuitement sans tarder à l’emprunteur, après réception de la demande de remboursement par anticipation, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à l’examen de cette faculté. Ces informations chiffrent au moins les conséquences qui s’imposeront à l’emprunteur s’il s’acquitte de ses obligations avant l’expiration du contrat de crédit et formule clairement les hypothèses utilisées. »

 

L’article L.347-49 ajoute :

 

« Aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L.313-47 et L.313-48 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation prévus par ces articles. »

 

Aux termes de l’article R. 312-2 du code de la consommation, l’indemnité ne peut excéder la valeur d’un semestre d’intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du prêt, sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant remboursement.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats



[1] Article 1231-5 du Code civil à compter du 1er octobre 2016

[2] Abrogé à compter du 1er octobre 2016

[3] Article L.313-47 et L.313-48 du Code de la consommation depuis le 1er juillet 2016

[4] Cass. civ. 1ère, 7 oct. 1992, n°90-21.272, publié au bulletin

[5] Cass. civ. 1ère, 21 févr. 1995, no92-21.748

[6] Cass. civ. 1ère, 15 févr. 2012, no11-14.605, F-P+B+I

[7] Cass. civ. 1ère, 30 avr. 2014, no13-13.641, F-D 

 

Partager cet article
Vivaldi Avocats