Mise à l’arrêt d’une ICPE, résiliation du bail, mais maintien dans les lieux pour remettre le site en état : quel est le montant de l’indemnité d’occupation ?

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3e civ., 23 juin 2016, n° 15-11.440 , FS-P+B : JurisData n° 2016-012215

 

L’indemnité d’occupation de droit commun due par le preneur devenu occupant sans droit ni titre des locaux doit être distinguée de l’indemnité légale d’occupation issue de l’article L145-28 du code de commerce : alors que cette dernière correspond à la valeur locative, l’indemnité d’occupation de droit commun a un caractère mixte compensatoire et indemnitaire[1] destinée à rémunérer la jouissance des lieux et à réparer le préjudice subi par le bailleur du fait de l’occupation[2].

 

Si la seconde composante du calcul de l’indemnité ne pose pas de difficulté, hormis celle non négligeable de la preuve, la première a pu faire débat dans un litige dans lequel l’exploitant d’un terrain pris à bail à destination de décharge de déchets industriels, ICPE autorisée par arrêté préfectorale jusqu’en 2004, avait déposé quelques jours avant le terme de l’autorisation, un dossier de fin d’exploitation, et délivré congé au bailleur pour le 31 décembre de la même année.

 

Tenu en qualité de dernier exploitant à des obligations légales de remise en état complète du site[3], le preneur s’était maintenu pendant cinq an sur les lieux à cette fin, le bailleur étant de fait contraint de supporter l’occupation sans droit ni titre.

 

S’est posée la question du montant de l’indemnité d’occupation ayant vocation à être facturée au preneur jusqu’au terme des mesures de remises en état[4].

 

Devant la Cour d’appel d’Amiens, le preneur rappelait que le terrain ne pouvait plus être utilisé à des fins commerciales ou industrielles à compter du 31 décembre 2004, conformément à un arrêté préfectoral du 10 novembre 2009 interdisant toute construction, plantation, fouille ou travaux afin de prévenir tout risque sanitaire lié à l’ICPE. Par conséquent, la jouissance indue des lieux par le preneur devait être indemnisée en référence à une location de terres agricoles sous forme de prairie permanente.

 

Le preneur ajoutait que le propriétaire du terrain ne saurait justifier d’un quelconque préjudice puisqu’à supposer la remise en état réalisée pour la date d’effet du congé, le bailleur n’aurait pu relouer le terrain à des fins autres qu’agricoles.

 

La Cour d’appel d’Amiens a accueilli favorablement ses arguments. Pour les juges du fond, la composante portant sur l’occupation du terrain doit en effet être fixé selon la valeur locative de l’usage possible du terrain à la date de l’occupation. La valeur locative étant quasiment réduite à néant du fait de l’arrêt d’exploitation du preneur, et puisque le bailleur ne pouvait justifier d’un quelconque préjudice autre, la Cour a fixé l’indemnité d’occupation de droit commun à un montant dérisoire au regard du montant du dernier loyer acquitté.

 

Le bailleur s’est pourvu en cassation. A l’appui de son pourvoi, il affirmait que l’indemnisation de son préjudice au titre du maintien dans les lieux du preneur devait être calculé non pas en référence à la valeur locative de l’usage possible du terrain à la date de l’occupation, mais au regard de la destination du terrain pendant l’occupation. Il faudrait, en quelque sorte, se référer au bail bien que le bail ait pris fin.

 

La Cour de cassation va suivre ce raisonnement et, au terme d’un attendu de principe ci après reproduit in extenso, considérer que :

 

« Vu l’article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 511-1 et L. 512-17 du code de l’environnement, 34-1 du décret du 21 septembre 1977 alors en vigueur et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

 

Attendu qu’il résulte de ces textes que le réaménagement du site sur lequel a été exploitée une installation classée fait partie intégrante de l’activité exercée et de ce principe que l’indemnité d’occupation due pendant la remise en état d’un site, après cessation de l’activité, doit être fixée par référence au loyer prévu au bail ; »

 

En d’autres termes, l’arrêt ne semble pas revenir pas sur le mode d’évaluation de l’indemnité d’occupation de droit commun qui doit toujours être fixée en tenant compte tant de l’occupation du preneur que du préjudice subi par le bailleur, mais il précise que dans le cadre de la remise en état du site inhérent aux obligations de l’exploitant d’une ICPE à la suite d’un arrêt d’exploitation, l’occupation du preneur doit être indemnisée au regard du loyer du bail résilié, qui vraisemblablement, constituera un plancher pour ce calcul.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1] Cass com., 26 mai 1961, Bull civ IV n°233 ; 3ème civ, 26 novembre 1997, n°96-12.003, Publié au bulletin ; 3ème civ, 10 octobre 2001, n°00-14.406.

[2] Cass com., 26 mai 1961 préc.

[3] S’agissant d’une activité soumise à autorisation, article R512-39-1 du Code de l’environnement. Cf également 3ème civ, 10 avril 2002, 00-17.874, Publié au bulletin

[4] 3ème civ, 19 mai 2010, n°09-15.255, Publié au bulletin

 

 

 

 

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