Règles de distance et principe de réciprocité pour les installations agricoles

Stéphanie TRAN
Stéphanie TRAN

 

Source : Conseil d’Etat, 24 février 2016, req. n°380556, mentionné dans les tables du recueil Lebon.

 

L’implantation d’une construction peut ne pas voir le jour si celle-ci porte une atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique au sens des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

 

Ces dernières dispositions font l’objet d’une interprétation élargie par la jurisprudence, en ce sens que si l’implantation d’une construction peut être refusée si celle-ci est susceptible de créer un risque d’atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, elle peut également être refusée, par l’effet de réciprocité, si le choix de l’implantation expose la nouvelle construction à un risque existant.

 

Ce principe de réciprocité a été consacré par la loi du 9 juillet 1999, puis par celle du 13 décembre 2000, et figure, s’agissant des habitations et des bâtiments agricoles, à l’actuel article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime.

 

Ainsi donc, le périmètre de protection sanitaire qui entoure les bâtiments agricoles et leurs annexes, et dont le rayon varie entre 50 et 100 mètres en vertu soit de la nomenclature des ICPE, soit du Règlement Sanitaire Départemental (suivant la nature, la taille et le mode de conduite du bâtiment d’élevage) rend la zone comprise dans ce rayon inconstructible, de sorte que :

 

– aucun bâtiment agricole, ni aucune de ses annexes ne peut être implanté à moins de 50 à 100 mètres de toute construction à usage d’habitation ;

 

aucune habitation ne peut, à l’inverse, être implantée, à moins d’une telle distance à proximité d’une exploitation agricole.

 

Par ailleurs, la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 a étendu la règle de réciprocité en prévoyant qu’était également soumis à la règle de distance le changement de destination d’un bâtiment non agricole soumis à permis de construire.

 

Ce principe de réciprocité s’applique quelque soit la nature du texte des dispositions qui fixent la distance d’éloignement.

 

En effet, le respect de la distance d’éloignement s’impose au pétitionnaire d’une demande de permis de construire une habitation, alors même que la règle d’éloignement résulterait de la législation applicable en matière d’ICPE.

 

C’est ce qu’en l’espèce, le Conseil d’Etat est venu confirmer dans son arrêt du 24 février 2016 :

 

« Considérant qu’il résulte de l’article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l’implantation d’un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d’un tel bâtiment agricole ; qu’il appartient ainsi à l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d’habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu’en soit la nature ; que, par suite, la cour administrative d’appel de Nancy a commis une erreur de droit en jugeant que la vérification du respect des dispositions de l’arrêté du 7 février 2005 citées au point 2, dès lors qu’elles relevaient de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, ne s’imposait pas au préfet du Haut-Rhin pour la délivrance du permis de construire en litige ».

 

C’est ainsi par dérogation au principe d’indépendance des législations, que le principe de réciprocité s’applique au profit des considérations sanitaires.

 

Cela étant, l’article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit, par dérogation, que :

 

– dans les parties actuellement urbanisées des communes et pour tenir compte de l’existence de constructions agricoles antérieurement implantées, des règles d’éloignement différentes peuvent être fixées soit au sein du PLU, soit par délibération du conseil municipal, prise après avis de la chambre d’agriculture, et enquête publique dans les communes non dotées d’un plan local d’urbanisme;

 

– pour tenir compte des spécificités locales, et dans les autres secteurs, une distance inférieure à celle prévue par les textes législatifs et réglementaires peut être envisagée, , par l’autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d’agriculture.

 

En effet, la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux est venue préciser les dérogations susceptibles d’être admises afin d’adapter le texte à l’évolution du monde rural, et afin notamment :

 

– de ne pas entraver l’extension des zones urbaines qui tend à rapprocher les habitations des constructions agricoles déjà en place ;

 

– ni d’entraver la réalisation des travaux résultant de la mise aux normes des exploitations imposée par les nouvelles conditions de production.

 

Stéphanie TRAN

Vivaldi-Avocats

Partager cet article