Quand la prescription dépend de la qualité de consommateur de l’emprunteur…..

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

  

SOURCE : Cass. 1e Civ ., 3 févr 2016, n° 15-14.689. Arrêt n° 101 F – P + B

 

La Cour de Cassation a déjà, étendu le champ d’application de l’article L.137-2[1] du Code de la Consommation, aux crédits immobiliers consentis à des consommateurs par des organismes financiers.

 

C’est ainsi que dans un arrêt en date du 28 novembre 2012[2], la Haute Juridiction a admis qu’en vertu de ce texte, l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

 

Dans cette affaire, suivant acte authentique, M. X… a souscrit deux emprunts auprès d’une banque que la déchéance du terme a été prononcée le 10 février 2006, à la suite d’impayés ; que, le 12 juillet 2010, la banque lui a délivré un commandement de payer aux fins de saisie immobilière ;

 

Pour débouter M. X… de sa demande tendant à voir constater la prescription de la créance et juger nul le commandement, l’arrêt retient que le texte précité ne concerne pas les crédits immobiliers et que les créances en cause seront prescrites en cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, soit en juin 2013 ;

 

La Cour de Cassation casse l’arrêt et a jugé :

 

« Qu’en statuant ainsi, quand les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels, la cour d’appel a violé le texte susvisé »[3]

 

Dans l’arrêt présentement analysé, la Cour de Cassation confirme les dispositions de l’article L.137-2 du Code précité.

 

En l’espèce, une banque a consenti à une SCI un prêt. Par suite d’échéances impayées, la banque a engagé une procédure de saisie immobilière à l’encontre du débiteur, lequel a soutenu que l’action de la banque était tardive.

 

Pour déclarer l’action de la banque prescrite en application de l’article L.137-2 du Code de la Consommation, la Cour d’Appel relève qu’il résulte de l’offre de prêt litigieuse que la banque et l’emprunteur ont entendu soumettre celle-ci aux dispositions de l’article L.312-1 et suivants du même code[4].

 

La Cour de Cassation censure les juges du fond, considérant qu’en statuant ainsi, alors que l’article L.137-2 susvisé concerne uniquement l’action des professionnels pour les biens et les services qu’ils fournissent aux consommateurs, elle n’avait pas constaté la qualité de consommateur.

 

L’étude de cet arrêt permet de s’interroger sur la notion de consommateur « professionnel ».

 

Depuis la Loi HAMON du 17 mars 2014, est considéré comme consommateur, toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

 

Pour exemple, la question que l’on peut légitimement se poser est de savoir si les professions judiciaires entrent dans cette catégorie, dés lors qu’il est souvent soutenu que le justiciable n’est pas « un consommateur de services ».

 

La Cour de Cassation a assis de manière claire sa position dés lors qu’elle a considéré que la prescription des honoraires d’avocat était soumise aux dispositions du Code de la Consommation[5].

 

En l’espèce, que M. X… a confié la défense de ses intérêts à une société d’avocats dans de nombreuses instances de 1999 à 2008 ; A la suite d’un désaccord, l’avocat a saisi le bâtonnier de son ordre d’une demande en fixation de ses honoraires ; que la fin de non-recevoir tirée de la prescription d’une partie des honoraires a été soulevée ; L’Avocat fait grief à l’ordonnance de ne pas accueillir sa demande de règlement d’un solde d’honoraires, alors que les dispositions de l’article L. 137-2 du code de la consommation ne sont pas applicables aux honoraires d’avocat et restent soumis aux dispositions de droit commun du code civil ; L’Avocat de conclure que l’ordonnance attaquée a violé par fausse application l’article L. 137-2 du code de la consommation ; La Cour de Cassation rejette ce moyen, la demande d’un avocat en fixation de ses honoraires dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n’entrant pas dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale est soumise à la prescription biennale de l’article L. 137-2 du code de la consommation, l ; M. X… était un consommateur, c’est à bon droit que le premier président a fait application de ce texte ;

 

Si la définition du consommateur promulguée par l’article 5 de la loi Hamon est un progrès car elle permet de sécuriser juridiquement les dispositions du code de la consommation qui font référence à ce terme, et d’assoir définitivement la conformité du droit français au droit européen, cependant cette définition, aussi claire soit-elle, ne mettra fin au questionnement récurrent sur le champ d’application des dispositions du code de la consommation, notamment lié à la notion interne de « non-professionnel ».

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 


[1] L.137-2 Code de la Consommation : » L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans »

[2] Cass. 1re., 28 nov 2012, n° 11-26.508

[3] Dans le même sens Cass.1re civ., 9avr.2014, n° 12-27.614 ; Cass. 1re civ., 10 juill.2014, n° 13-15.511

[4] L.312-1 Code de la Consommation : « Au sens du présent chapitre, est considérée comme : a) Acquéreur, toute personne qui acquiert, souscrit ou commande au moyen des prêts mentionnés à l’article L. 312-2 ; b) Vendeur, l’autre partie à ces mêmes opérations

[5] Cass.2e civ., 26 mars 2015, n° 14-11.599

 

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