SOURCE : Cass Soc., 20 octobre 2015, Arrêt n° 1703 FS-P+B (n° 14-17.473).
Un salarié avait été engagé par une société de Promotions Immobilières à vocation nationale le 02 mai 2001 en qualité d’attaché commercial au sein de l’Agence de MARSEILLE.
Le salarié était chargé de la vente de lots immobiliers dont la construction et la commercialisation étaient mises en œuvre par son employeur et sa rémunération était composée d’un fixe et de commissions sur les ventes.
A partir de l’année 2004 et jusqu’en 2007, le salarié va signer tous les ans un avenant au contrat de travail stipulant à son bénéfice un intéressement spécifique pour l’exercice en cours, de même qu’il va grimper les échelons de la hiérarchie pour finalement occuper le poste de Directeur Adjoint des ventes extérieures pendant que son secteur d’activité était étendu aux agences de TOULON, MARSEILLE et MONTPELLIER.
En 2008, au motif du contexte économique difficile, le salarié va se voir proposer un nouvel avenant par lequel son employeur entendait restreindre son périmètre d’activité à l’agence de MONTPELLIER.
Le salarié va refuser de signer cet avenant, de même qu’il va refuser de signer trois avenants postérieurs.
Le 03 novembre 2009, le médecin du travail va constater une inaptitude temporaire du salarié à son poste de travail.
Le salarié sera finalement en maladie du 06 novembre 2009 et jusqu’à ce qu’il liquide ses droits à la retraite le 1er juillet 2012, n’ayant donc jamais repris son activité professionnelle.
Toutefois, le 14 juin 2010, estimant que son employeur avait manqué à ses engagements contractuels, le salarié va saisir le Conseil des Prud’hommes de MARSEILLE pour demander la résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur et réclamer le paiement de diverses indemnités.
Ses demandes vont être satisfaites par le Conseil des Prud’hommes de MARSEILLE lequel, par un Jugement du 08 avril 2012, va estimer que les manquements constatés relevaient d’une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite normale des relations de travail et justifiaient la résiliation judiciaire, à la date du Jugement, du contrat de travail entre le salarié et son employeur, produisant les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Ensuite de cette décision, l’employeur comme le salarié interjettent appel.
Pendant la procédure d’appel, le salarié va faire valoir ses droits à la retraite le 1er juillet 2012.
Puis, il va modifier son argumentation faisant valoir que son départ à la retraite constituait, en réalité, une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en raison des graves manquements précédemment invoqués au soutien de sa demande de résiliation judiciaire.
Saisie de la difficulté, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, dans un Arrêt du 14 mars 2014, va considérer que le contrat de travail ayant pris fin par le départ en retraite du salarié, sa demande de résiliation devenait sans objet et les demandes y afférentes irrecevables, estimant que le salarié avait seulement la faculté, si les griefs qu’il faisait valoir à l’encontre de son employeur étaient justifiés, de demander la réparation du préjudice en résultant.
Dès lors, la Cour d’Appel va considérer que les relations contractuelles ont cessé le 1er juillet 2012 par le départ à la retraite du salarié, de sorte que ce dernier doit être débouté de ses demandes relatives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ensuite de cette décision, le salarié se pourvoit en Cassation.
A l’appui de son pourvoi, il reproche à l’Arrêt d’Appel d’avoir rejeté sa demande de requalification de son départ en retraite en une prise d’acte aux torts de son employeur au motif qu’alors qu’il avait obtenu la résiliation judiciaire de son contrat de travail par un Jugement du 18 avril 2012, le départ à la retraite du salarié n’était motivé que par son souhait de bénéficier d’une pension de retraite, que dans ses conclusions initiales d’appel il faisait toujours référence à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et n’avait modifié son argumentation faisant valoir que son départ en retraite constituait, en réalité, une prise d’acte de la rupture en raison des manquements précédemment invoqués au soutien de sa demande de résiliation qu’en novembre 2013.
La Chambre Sociale va accueillir son argumentation.
Relevant que le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel celui-ci manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail, que lorsque le salarié remet en cause celui-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le Juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines à son départ, considérer que celui-ci était équivoque et l’analyser en une prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits la justifie.
Par suite, la Chambre Sociale considère, alors qu’elle avait constaté que le salarié avait, préalablement à son départ en retraite, saisi la Juridiction Prud’homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en invoquant divers manquements imputables à son employeur, ce dont il résultait l’existence d’un différend rendant le départ en retraite équivoque, la Cour d’Appel qui devait l’analyser en une prise d’acte et rechercher si les manquements de l’employeur étaient suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail a violé les dispositions des articles L. 1231-1 et L. 1237-9 du Code du Travail.
En conséquence, la Chambre Sociale casse sur ce point l’Arrêt d’Appel.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats