SOURCE : Conseil d’Etat, sect. 19 juin 2015, Commune de Salbris, n°368667
En l’espèce, le projet de construction d’une caserne de gendarmerie sur le territoire de la commune de SALBRIS, ainsi que l’acquisition du territoire nécessaire, avaient été déclarés d’utilité publique par le préfet, de sorte que ledit terrain avait été exproprié par la suite au profit de la commune.
La cour administrative d’appel ayant annulé la déclaration d’utilité publique, sur la demande des expropriés, le juge de l’expropriation, également saisi par ces derniers, avait alors considéré, sur le fondement de l’article L. 12-5 du code de l’expropriation second alinéa, que l’ordonnance d’’expropriation était privée de base légale.
L’ordonnance d’expropriation ayant été annulée sur la base de cette considération, les expropriés ont sollicité l’annulation du permis de construire délivré à la société d’équipement, chargée de la maîtrise d’ouvrage de l’opération.
Contrairement au juge de première instance, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le permis de construire contesté au motif que la société d’aménagement, pétitionnaire de l’autorisation d’urbanisme, devait être regardée, eu égard à l’annulation de la déclaration d’utilité publique et à celle de l’ordonnance d’expropriation postérieurement à la délivrance du permis de construire, comme n’ayant jamais eu qualité pour présenter, au regard des dispositions de l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme, une telle demande.
Saisi d’un pourvoi à l’encontre de cet arrêt, la Conseil d’Etat a cassé l’arrêt d’appel :
« Considérant, en revanche, que la seule circonstance que le pétitionnaire perde, postérieurement à la délivrance du permis de construire, fût-ce à titre rétroactif, la qualité au titre de laquelle il avait présenté la demande de permis de construire n’est pas par elle-même de nature à entacher d’illégalité le permis de construire ; qu’il en est notamment ainsi lorsque, postérieurement à la délivrance du permis de construire, une décision du juge prive à titre rétroactif le bénéficiaire de la qualité de propriétaire du terrain sur le fondement de laquelle il a, au titre du a) de l’article R. 423-1, présenté sa demande, ou lorsque la déclaration d’utilité publique sur le fondement de laquelle il a, au titre du c) de l’article R. 423-1, présenté sa demande est annulée pour excès de pouvoir ; (…) ».
Ainsi, la Haute Assemblée considère désormais que la perte de la qualité de propriétaire, même rétroactive, n’est pas de nature à entacher de nullité l’autorisation d’urbanisme.
Si elle constitue un revirement de jurisprudence[1], cette solution tire toutes les conséquences de la théorie du propriétaire apparent appliquée durant l’instruction des autorisations d’urbanisme.
Dans la mesure où la condition de la légalité du permis de construire est la qualité apparente, et non la possession de la qualité, la disparition rétroactive de cette qualité même s’avère en effet sans incidence sur la légalité de l’autorisation d’urbanisme.
Stéphanie TRAN
Vivaldi-Avocats
[1] CE, 5 avril 1993, Commune de Fréjus et SCI Bleu Marine, n° 117090, 117091