Rappelons que les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) ont été créées par la loi d’orientation agricole du 5 août 1960 afin de réorganiser les exploitations agricoles dans le cadre d’une agriculture plus productive.
Par la suite, leurs missions ont été étendues à la protection de l’environnement et à l’accompagnement du développement de l’économie locale.
Afin que les SAFER puissent s’opposer à la réalisation d’opérations contraires aux orientations définies dans les plans d’orientations agricoles, la loi du 8 août 1962 les a dotées du droit de préemption dans la limite des objectifs assignés.
Aussi sont-elles systématiquement informées des projets de vente par les notaires, pour acheter éventuellement à la place de l’acquéreur initial, et revendre à un autre acquéreur dont le projet répond davantage aux enjeux d’aménagement locaux.
Jusqu’alors, le droit de préemption s’exerçait uniquement sur les aliénations à titre onéreux, que celles-ci portent sur des biens immobiliers à usage agricole, des terrains à vocation agricole ou sur des bâtiments d’habitation faisant partie d’une exploitation agricole.
La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture l’alimentation et la forêt est venue étendre entretemps le droit de préemption aux aliénations de démembrements de propriété (usufruit et nue-propriété), afin de mettre fin à certaines pratiques frauduleuses puisqu’il pouvait être tentant d’utiliser ce biais afin d’échapper au champ d’application du droit de préemption des SAFER.
C’est ainsi qu’également, la loi d’avenir a étendu le droit de préemption sur l’aliénation de la totalité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole.
Aujourd’hui, la loi MACRON apporte une réponse supplémentaire aux pratiques frauduleuses en conférant aux SAFER le droit de préemption sur les donations consenties par un propriétaire à une personne, sans liens familiaux avec lui.
En effet, le nouvel article L143-16 du code rural et de la pêche maritime dispose :
« Sont également soumis au droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural les biens, droits réels et droits sociaux mentionnés aux premier, cinquième et sixième alinéas de l’article L. 143-1, lorsqu’ils font l’objet d’une cession entre vifs à titre gratuit, sauf si celle-ci est effectuée :
1° Entre ascendants et descendants ;
2° Entre collatéraux jusqu’au sixième degré ;
3° Entre époux ou partenaires de pacte civil de solidarité ;
4° Entre une personne et les descendants de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité, ou entre ces descendants.
Dans cette hypothèse, et par exception à l’article L. 412-8 du même code, le notaire ne devra pas mentionner le montant de la donation estimé.
La décision de la SAFER d’acquérir le bien devra ainsi indiquer l’estimation de ce dernier par le service des domaines.
La loi MACRON vient ainsi aligner sur le régime des biens à usage ou vocation agricole un dispositif déjà existant pour les constructions ou terrains constructibles depuis la loi ALUR du 24 mars 2014 (art. L.213-1-1 du code de l’urbanisme).
Désormais, et quelle que soit l’utilisation ou la vocation du bien immobilier, les propriétaires mal intentionnés ne pourront plus conclure de manière fictive une donation afin de faire sortir l’aliénation du champ d’application.
Stéphanie TRAN
Vivaldi-Avocats