L’erreur d’implantation d’une construction, entraînant la violation d’une servitude, relève de la responsabilité civile professionnelle du constructeur et non de sa responsabilité civile d’exploitation.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 octobre 2025, 23-20.872, Inédit
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Une personne acquiert un terrain destiné à accueillir une maison individuelle, l’acte de vente notarié prévoyant une servitude limitant la hauteur de construction sur une portion précise du terrain. Elle signe ensuite un contrat de construction de maison individuelle avec un constructeur, lequel a souscrit :
- auprès de la compagnie A, un contrat « Tous risques chantier » comprenant une garantie « erreur d’implantation » ;
- auprès de la compagnie B, un contrat couvrant sa responsabilité civile (RC) d’exploitation.
Au cours des travaux, il apparaît que la maison a été mal implantée et ne respecte pas la servitude de hauteur prévue. Malgré cette irrégularité, le constructeur poursuit la construction.
Suite à la mise en cause du constructeur et de ses assureurs, la cour d’appel condamne solidairement le constructeur et les compagnies d’assurance à indemniser le maître de l’ouvrage.
La compagnie B forme un pourvoi, soutenant que l’erreur d’implantation ne relève pas de la RC d’exploitation, mais de la RC professionnelle, contractuellement prévue pour couvrir les dommages liés aux fautes commises dans l’exercice de l’activité professionnelle.
La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel. Elle rappelle que :
- La cour d’appel a statué sans répondre aux conclusions de la compagnie B, qui arguait que seule la garantie RC professionnelle pouvait s’appliquer.
- Ce défaut de réponse constitue un manquement à l’article 455 du code de procédure civile, qui impose que tout jugement soit motivé et que le juge réponde aux conclusions des parties.
- Distinction entre RC d’exploitation et RC professionnelle :
La Cour de cassation distingue de manière constante les garanties :- RC d’exploitation : couvre les dommages résultant de l’activité courante de l’entreprise, en dehors des fautes professionnelles ou techniques, et des interventions directement liées à l’exécution du contrat professionnel.
- RC professionnelle : couvre les fautes, erreurs ou omissions commises par le professionnel dans l’exercice de ses missions, incluant les dommages corporels, matériels ou immatériels causés aux tiers (Cass. 3e civ., 23 mai 2018, n° 17-16.234).
L’erreur d’implantation, même si elle se produit dans le cadre de l’activité de construction, constitue une faute professionnelle, car elle résulte d’une erreur technique entraînant la violation d’une servitude. Elle relève donc de la RC professionnelle ou d’un contrat spécifique « Tous risques chantier » couvrant explicitement ce type de risque.
- Garantie « Tous risques chantier » et erreurs d’implantation :
La jurisprudence rappelle que les contrats « Tous risques chantier » peuvent couvrir les erreurs d’altimétrie ou de position dans l’implantation, sous réserve du respect des conditions contractuelles (procès-verbaux d’implantation contradictoires, contrôle aux fondations ou au plancher du rez-de-chaussée) (Cass. 3e civ., 12 juin 2019, n° 18-15.678).
Dans cette affaire, les conditions formelles de la garantie étaient réunies, ce qui rendait la garantie applicable auprès de l’assureur A. - Obligation pour le juge de motiver sa décision :
La Haute juridiction sanctionne tout jugement qui statue sur l’opposabilité d’une garantie sans répondre aux conclusions des parties sur la qualification du risque et le contrat mobilisable, conformément à l’article 455 du code de procédure civile. - Répartition de la responsabilité :
Lorsque plusieurs assureurs sont mis en cause, il est essentiel que le juge distingue clairement quelle garantie couvre quel dommage, afin d’éviter une condamnation erronée d’un assureur dont le contrat n’était pas applicable (Cass. 2e civ., 15 févr. 2017, n° 15-26.749).
En synthèse, cette affaire illustre que :
- Les erreurs d’implantation relèvent de la responsabilité civile professionnelle, et non de la RC d’exploitation.
- Les assureurs doivent être mobilisés selon la garantie contractuelle réellement applicable.
- Les juges doivent motiver précisément leurs décisions et répondre aux conclusions des parties pour éviter une cassation pour défaut de base légale.
- Les contrats « Tous risques chantier » jouent un rôle clé pour couvrir ce type de risques spécifiques.

