Communication d’un incendie aux locaux voisins

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE : 3ème civ, 28 janvier 2016, n°14-28812, P + B + R + I

 

Conformément aux dispositions de l’article 1384 al2 du Code civil, l’occupant d’un immeuble dans lequel un incendie a pris naissance n’engagera sa responsabilité vis-à-vis des tiers que s’il est prouvé une faute de sa part ou de personnes dont il répond.

 

Par exception, sa responsabilité sans faute peut être recherchée par son bailleur sur le fondement des articles 1733 et 1734 du Code civil. Le preneur à bail est présumé responsable sauf à démontrer «  que l’incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction ou que le feu a été communiqué par une maison voisine ». A défaut, il lui incombe de réparer l’entier préjudice du bailleur, en ce compris les frais supportés par le bailleur pour réparer les désordres occasionné par la communication de l’incendie à d’autres locaux qu’il loue[1], et l’indemnisation des locataires de ces locaux.

 

C’est ainsi qu’un bailleur, sur le fondement de l’article 1733 du Code civil, sollicitait la condamnation de la compagnie d’assurance de son preneur à bail de supporter les frais de reconstruction d’un immeuble dans lequel a pris naissance un incendie, ainsi que les frais de relogement de ses autres locataires sur le fondement de l’article 1734 du même code. Le bailleur ayant également dû supporter les frais de relogement des locataires de l’immeuble voisin, il demande également le remboursement.

 

La Cour d’appel de Paris a accueilli favorablement ses demandes, mais a rejeté celle tendant à la prise en charge des frais de relogement des voisins, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation[2]. Les juges du fonds considèrent que ce dommage concerne des tiers au contrat de location, de sorte que les dispositions des articles 1733 et 1734 ne sont pas applicables. L’incendie étant survenu sans faute de l’occupant, la responsabilité de celui-ci, et de sa compagnie d’assurance, ne peuvent être retenues.

 

Le bailleur s’est pourvu en cassation, présentant à la Haute juridiction le syllogisme suivant :

 

– le preneur est tenu de réparer l’entier préjudice du bailleur ;

– or le bailleur a été contraint de supporter les frais de relogement des locataires de l’immeuble voisin, ce qui lui cause un préjudice ;

– donc le preneur est tenu de rembourser les frais de relogement des locataires voisins

 

La Cour de cassation ne suit le pas le bailleur dans son raisonnement et rejette le pourvoi. Elle rappelle que l’article 1733 du Code civil n’est applicable que dans les relations entre le bailleur et son locataire. Ces dispositions s’étendent, en application des dispositions de l’article 1734 du Code civil, aux préjudices inhérents à l’incendie, mais subis dans le cadre d’autres baux du bailleur. Mais cette présomption de responsabilité ne s’étend pas au-delà, c’est-à-dire à la réparation de préjudices subis par des tiers au contrat de location[3], quand bien même le bailleur aurait-il eu à les supporter financièrement.

 

Pour la Cour de cassation, le préjudice subi par les tiers ne sauraient être supporté par le preneur ou son assureur qu’à la faveur de la preuve d’une faute du locataire.

 

Il résulte de ce qui précède que la Cour de cassation refuse toute subrogation là où il n’en existe pas : le bailleur, investi du pouvoir des voisins pour les avoirs indemnisés de leur préjudice, ne peut se retourner vers son preneur pour obtenir remboursement des sommes ainsi versées, alors que les voisins ne disposaient d’aucun fondement pour mettre en cause la responsabilité du locataire, à défaut de déterminer l’existence d’une faute.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] 3ème civ, 18 mai 1978, n°77-10238 ; 3ème civ, 27 novembre 2002, n°01-12403

[2] 3ème civ, 22 juin 1983, n°82-12236 ; 3ème civ, 19 septembre 2012, n°11-10.827

[3] Cass. 3e civ., 8 déc. 1993, n° 90-13.904 : Bull. civ. 1993, III, n° 159 ; Cass. 1re civ., 6 mars 1996, n° 93-21.081

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