Bail commercial, manquement du bailleur à son obligation de délivrance et indemnisation du préjudice du locataire

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

En cas de manquement du bailleur à son obligation fondamentale de délivrance, le locataire commercial peut d’une part, obtenir l’indemnisation des conséquences dommageables de l’inexécution pat le bailleur des travaux lui incombant, et d’autre part, soit obtenir l’exécution forcée en nature, soit être autorisé à faire exécuter lui-même les travaux et obtenir l’avance des sommes nécessaires à cette exécution, sauf si les travaux de mise en conformité des locaux ne doivent pas être réalisés.

SOURCE : Cass.civ 3ème, 6 avril 2023, n°19-14118 19-14119, FS – B

A la base de ce contentieux, une action en exécution de travaux de remise en état du clos et du couvert et en indemnisation des préjudices y afférents, initiée par un locataire commercial.

Postérieurement à la saisine de la juridiction, la société locataire est placée en liquidation judiciaire et l’instance est reprise par le liquidateur judiciaire ès qualités.

Le liquidateur, invoquant un manquement du bailleur à son obligation de délivrance, demande sa condamnation au paiement du coût des travaux de remise en état outre paiement de dommages et intérêts.

Les bailleurs font grief à l’arrêt de la Cour d’appel de déclarer le locataire recevable à solliciter le paiement du coût des travaux de remise en conformité des locaux, et de les condamner à payer une certaine somme, alors que la mise en liquidation judiciaire du locataire faisait obstacle à la poursuite de l’exploitation de l’activité commercial dans les locaux, et à la réalisation des travaux.

Dans sa décision publiée du 6 avril 2023, la Haut juridiction juge au visa des articles 1144, 1149, 1719, 1°, et 1720 du Code civil :

« Selon le premier de ces textes, le créancier peut, en cas d’inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l’obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l’avance des sommes nécessaires à cette exécution.

Selon le deuxième, les dommages-intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.

Selon les derniers, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer au locataire la chose louée, de l’entretenir en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations nécessaires autres que locatives.


Il résulte de ces textes que, en cas de manquement du bailleur à son obligation de délivrance, le locataire peut, d’une part, obtenir l’indemnisation des conséquences dommageables de l’inexécution par le bailleur des travaux lui incombant, d’autre part, soit obtenir l’exécution forcée en nature, soit être autorisé à faire exécuter lui-même les travaux et obtenir l’avance des sommes nécessaires à cette exécution.

Pour condamner les bailleurs à payer à la locataire le coût des travaux nécessaires à la mise en conformité des locaux, l’arrêt retient que, même si ces travaux ne doivent pas être réalisés, ce coût constitue une créance certaine acquise au bénéfice de la procédure de liquidation judiciaire.



En statuant ainsi, alors que le coût des travaux de remise en état des locaux ne constitue pas un préjudice indemnisable mais une avance sur l’exécution des travaux, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

En synthèse, le bailleur ne peut donc avoir à supporter le coût des travaux quand il n’est pas question que ces derniers soient réalisés. Dans cette hypothèse, l’indemnisation du préjudice est suffisante. Au cas qui nous préoccupe, la liquidation judiciaire du locataire faisait obstacle à la poursuite de l’activité commerciale dans les locaux, ainsi qu’à la réalisation des travaux. Les bailleurs ne pouvaient donc pas être condamnés à payer le prix des travaux qui n’avaient pas vocation à être effectués.

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