Demande d’autorisation préalable dans le cadre des locations de courte durée : précision sur la preuve de l’usage d’habitation d’un bien

Laurine DURAND-FARINA

L’affectation au 1er janvier 1970 du local à un usage d’habitation s’entend de l’affectation effective à un tel usage du local à cette date, peu important l’irrespect éventuel de normes de décence et d’habitabilité alors en vigueur. 


Cour de cassation, 16 octobre 2025 n° 24-13.058

I – 

Une commune a assigné le propriétaire d’un appartement et son locataire devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, afin de les voir condamner chacun au paiement d’une amende civile, pour l’avoir loué de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, en contravention avec les dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.

II – 

La Cour d’appel a rejeté les demandes de la commune et retient que l’appartement litigieux est issu de la réunion de deux lots : 

  • Dont l’un, porte D, d’une surface de 25 mètres carrés, était occupé au 1er janvier 1970 par la société le Select bar avec un loyer compris dans son bail commercial, sans qu’il soit établi un usage d’habitation de cette surface,
  • Et l’autre, porte F, consistait en un appartement, d’une surface de 6 mètres carrés, qui faisait l’objet d’un bail d’habitation au moins au 1er janvier 1970, et qui était donc à usage d’habitation à cette date, mais que la preuve de l’usage d’habitation d’un bien d’une surface non habitable puisqu’inférieure à 9 mètres carrés ne suffit pas à donner au local, résultant de la réunion de ces deux locaux, un usage d’habitation au 1er janvier 1970.

III – 

La commune a alors formé un pourvoi en cassation et fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes. 

Elle soutient qu’un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 ; que lorsque la preuve d’un tel usage d’habitation à la date de référence est rapportée, la circonstance que le bien ne puisse être considéré comme habitable au regard de critères réglementaires n’est pas de nature à remettre en cause son usage d’habitation au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation. 

Par ailleurs, un local affecté à un usage d’habitation à la date de référence ne perd pas cet usage lorsqu’il est ultérieurement réuni avec un autre local, quel que soit l’usage de ce dernier. 

Dès lors il résulte de ses constatations que le local porte F était affecté à un usage d’habitation à la date de référence, de sorte que le local litigieux était pour partie composé d’un local affecté à l’usage d’habitation à la date de référence et que sa location pour de courtes durées constituait un changement d’usage et était soumise à autorisation pour le lot concerné.

IV – 

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. 

Elle fonde sa décision sur les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024.

La Haute juridiction rappelle que selon le premier de ces textes, dans certaines communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable. Un local est réputé à usage d’habitation au sens de ce texte s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage.

En outre, selon le second, toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par local irrégulièrement transformé.

La Cour de cassation juge que l’affectation au 1er janvier 1970 du local à un usage d’habitation s’entend de l’affectation effective à un tel usage du local à cette date, peu important l’irrespect éventuel de normes de décence et d’habitabilité alors en vigueur.

Elle rappelle aussi la jurisprudence selon laquelle un local affecté à un usage d’habitation au 1er janvier 1970 ne perd pas cet usage lorsqu’il est ultérieurement réuni avec un autre local, quel que soit l’usage de ce dernier (3e Civ., 13 juin 2024, pourvoi n° 23-11.053, publié).

Par conséquent, la Cour de cassation juge que la cour d’appel a violé les textes susvisés en estimant que la preuve de l’usage d’habitation d’un bien d’une surface non habitable puisqu’inférieure à 9 mètres carrés ne suffit pas à donner au local, résultant de la réunion de ces deux locaux, un usage d’habitation au 1er janvier 1970.

V – 

Pour rappel, l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que, dans certaines communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation peut être soumis à une autorisation préalable.

Ces dispositions ont été instaurées à l’origine afin d’encadrer la transformation de logements en bureaux, d’abord à Paris, puis dans les grandes agglomérations.

Depuis 2014, leur champ d’application s’est élargi aux locations de courte durée, telles que celles proposées sur des plateformes de type Airbnb.

En effet, le dernier alinéa de l’article L.631-7 précise désormais que le fait de louer un local meublé à usage d’habitation en tant que meublé de tourisme, au sens du I de l’article L.324-1-1 du Code du tourisme, constitue un changement d’usage au sens de ces dispositions.

Encore faut-il établir que le bien concerné relève bien de l’usage d’habitation au sens de l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation.

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation apporte des précisions utiles à cet égard : elle rappelle qu’un local affecté à usage d’habitation au 1er janvier 1970 ne perd pas cette qualification du seul fait de sa réunion avec un autre local, quel qu’en soit l’usage. Cette solution fournit ainsi un indice déterminant pour apprécier la preuve de l’usage d’habitation dans le cadre des locations de courte durée.

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