Source : Cass.Civ.2., 22 mai 2025, n°22-15566, n°484 B
Le juge de l’exécution est compétent pour connaître d’une contestation portant sur la validité d’un titre exécutoire établi par un commissaire de justice à la suite d’un chèque impayé.
Trente jours après la première présentation d’un chèque impayé, l’établissement tiré peut délivrer un certificat de non-paiement. La notification de ce certificat au tireur constitue un commandement de payer.
En l’absence de justification de paiement dans un délai de quinze jours, le commissaire de justice peut délivrer un titre exécutoire sans autre formalité (art. L. 131-73 du Code monétaire et financier). Ce titre, délivré en dehors de toute procédure judiciaire, peut-il néanmoins faire l’objet d’une contestation devant le juge de l’exécution ?
Dans un arrêt rendu à la suite d’un avis de la chambre commerciale, la Cour de cassation justifie le traitement spécifique attaché à la procédure de recouvrement des chèques impayés.
Dans cette affaire, à la suite d’un protocole transactionnel, un chèque est remis à l’une des parties le 29 mars 2019. Le signataire du chèque forme opposition pour perte, mais celui-ci est néanmoins porté à l’encaissement. Par une ordonnance de référé du 23 juin 2020, confirmée par un arrêt d’appel du 7 janvier 2021, la mainlevée de l’opposition est ordonnée. Le chèque étant revenu impayé, la banque tirée délivre un certificat de non-paiement en date du 7 octobre 2020, signifié au signataire le 8 octobre 2020. En l’absence de paiement, l’huissier de justice dresse un titre exécutoire le 26 octobre 2020, signifié le jour même. Une saisie-attribution est alors pratiquée, mesure contestée devant le juge de l’exécution, lequel prononce la nullité du chèque, du titre exécutoire délivré et du procès-verbal de saisie, et, par voie de conséquence, ordonne la mainlevée de la mesure.
Selon la cour d’appel, même si le titre exécutoire ne procède pas d’une décision de justice, le juge de l’exécution n’a pas le pouvoir de remettre en cause ce titre qui sert de fondement aux poursuites. Elle en déduit qu’il ne peut pas accueillir la contestation sur la régularité du chèque ou sur l’existence de la dette qu’il est censé régler.
En conformité avec l’avis émis par la chambre commerciale le 20 novembre 2024, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel et estime que le JEX est compétent pour statuer sur une contestation relative à la validité d’un titre exécutoire délivré sur le fondement de l’article L. 131-73 du code monétaire et financier.
Elle rappelle, à cet égard, que le titre exécutoire établi à l’issue de la délivrance d’un certificat de non-paiement ne constitue pas une décision de justice mais un acte autorisant la mise en œuvre de l’exécution forcée. Il en découle que le tireur est habilité à opposer au bénéficiaire les exceptions tirées du rapport fondamental, notamment l’absence de cause. Par conséquent, le JEX dispose du pouvoir de trancher une contestation portant sur la régularité d’un tel titre, y compris lorsqu’il est fondé sur l’article L. 131-73 du code monétaire et financier.
En reconnaissant la compétence du juge de l’exécution (JEX) pour apprécier la validité du titre exécutoire délivré par le commissaire de justice, l’arrêt consolide la distinction entre titres exécutoires judiciaires et non judiciaires. Les titres non judiciaires, contrairement aux décisions de justice, peuvent être contestés devant le JEX. Cette classification s’applique désormais explicitement aux titres délivrés en cas de chèques impayés. Les praticiens utilisant cette procédure de recouvrement doivent être vigilants quant à la possibilité d’une contestation devant le JEX portant sur la validité du chèque, et non seulement sur les modalités d’exécution. La solution renforce l’équilibre entre la protection du débiteur et l’efficacité de la procédure de recouvrement.