Quels sont les critères retenus pour définir une « CAUTION AVERTIE »

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

  

SOURCE : Cass. civ. 1, 3 juin 2015, n° 14-13.126, FS-P+B

 

C’est une nouvelle problématique que vient de trancher la première Chambre Civile de la Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 3 juin 2015 : le fait que la caution ait rédigé et signé la mention manuscrite figurant sur l’acte de cautionnement d’une part, et qu’elle ait la qualité d’associé de la société cautionné suffit il à la qualifier de caution avertie et de facto ne peut se prévaloir du manquement par la banque à son devoir de mise en garde ?

 

En l’espèce, une banque a consenti à une société un prêt de 100.000 €. Pour en garantir le remboursement, Mme B. s’est rendue avec d’autres personnes, caution solidaire de l’emprunteur à concurrence de la somme de 130.000 €.

 

A la suite d’incidents de paiement, la banque a assigné les cautions en paiement.

 

Dans son arrêt en date du 27 septembre 2013, la Cour d’Appel de Nimes a considéré qu’il ne pouvait être reproché à la banque d’avoir manqué à son devoir de mise en garde envers une caution qui pouvait être qualifiée d’avertie

 

Pour se justifier, la Cour d’Appel retient que :

 

Mme B a rédigé et signé la mention manuscrite portée sur l’acte sous seing privé de cautionnement et ne pouvait ignorer la substance de son engagement, qu’elle a pris soin de plafonner et pour lequel elle a pris souscrit une demande d’adhésion à l’assurance groupe couvrant les risques décès et perte d’autonomie ;

 

Mme B était associé et, à ce titre intéressée au financement garantie.

Ce n’est pas l’avis de la Cour de Cassation qui censure l’arrêt de la Cour d’Appel.

 

En retenant les deux moyens précités, selon la Haute Juridiction, la Cour d’Appel a violé les articles L.341-4 du Code de la Consommation[1] et 1147 du Code Civil[2].

 

En effet, selon la Cour de Cassation, au visa de l’article L.341-4 précité, la Cour d’Appel pour dire que le cautionnement n’était pas manifestement disproportionné aux revenus de Mme B, il retient que l’avis d’imposition sur le revenu de 2005 de cette dernière est insuffisamment significatif dés lors qu’il ne prend pas en compte les revenus escomptés de l’investissement réalisé par la société dont Mme B est également associé.

 

Or, selon la Cour de Cassation, la proportionnalité de l’engagement de caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération financée. Dés lors, la Cour d’Appel en ne retenant que l’avis d’imposition des revenus de Mme B, faisant certes ressortir un revenu salarial, ce dernier n’était pas suffisamment significatif, car il ne prenait pas en compte les revenus escomptés de l’investissement réalisé par la société, débiteur principal, dont Mme B était associée.

 

En conséquence, au visa de l’article L.341-4 du Code de la Consommation, la Cour de Cassation censure la Cour d’Appel.

 

Mais également, la Haute Juridiction va censurer la Cour d’Appel, pour avoir dit qu’il ne pouvait être reproché à la banque d’avoir manqué à son devoir de mise en garde, d’une part, car Mme B a rédigé et signé la mention manuscrite portée sur l’acte de cautionnement et ne pouvait donc ignorer la substance de son engagement, et d’autre part a souscrit à l’assurance de groupe couvrant les risques décès et perte d’autonomie.

 

En effet, pour la Cour de Cassation, si cette mention est réputée démontrer que la caution a pris conscience de l’étendue de son engagement, elle ne présuppose pas une prise de conscience par la caution, du danger engendré, le cas échéant, par l’opération garantie.

 

La seule qualité d’associé du débiteur principal n’exclut pas pour autant la qualité de caution profane, qui exige de la part de la banque de dispenser une obligation de conseil et de mise en garde, le seul fait que la caution soit intéressée au financement garanti ne prive pas la banque de ses obligations.

 

En conclusion, la première chambre civile de Cour de Cassation nous délivre un message on ne peut plus clair, selon lequel cette obligation de mise en garde se distingue de celle due à la caution à raison de ses capacités financières et des risques d’endettement auxquels elle s’exposerait par suite de ce cautionnement.

 

La banque dés lors, doit s’assurer au travers de son obligation de mise en garde que la caution, outre le fait qu’elle a évalué le risque juridique et financier encouru, a également compris que ce risque était présent, voire important ou quasiment inévitable en raison de la situation économique du débiteur et/ou de l’appréciation du marché sur lequel il évolue.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats


[1]« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation  ».

 

[2]« Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

 

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