Nouveaux rebondissements dans l’affaire du cumul des congés payés en arrêt maladie

Judith Ozuch
Judith Ozuch

Le Conseil constitutionnel valide la conformité des articles L.3141-3 et L.3141-5 (5°) du Code du travail à la Constitution suite aux décisions du 13 septembre 2023 de la Chambre sociale de la Cour de cassation sur l’acquisition des congés payés en arrêt maladie d’origine professionnelle ou non.

Sources : Cons. const. 8 févr. 2024, n° 2023-1079 QPC

Le 13 septembre 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une série de décisions qui a fait grand bruit en décidant, en application de la législation européenne, que les salariés en arrêt maladie d’origine professionnelle ou non acquièrent des congés payés pendant toute la durée de l’arrêt de travail[1].  

Depuis, les entreprises évoluent dans une certaine insécurité juridique quant aux modalités qu’il convient désormais d’appliquer s’agissant du calcul des congés payés lorsque le salarié a été placé pendant une longue période en arrêt maladie. Il en est de même s’agissant de la rétroactivité de la règle et l’étendue de cette rétroactivité.

Les entreprises demeurent dans l’attente de règles claires pour procéder aux éventuelles régularisations (lorsque celles-ci n’ont pas d’ores et déjà débutées !).

C’est dans ce contexte que le Conseil constitutionnel a été saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives à l’acquisition de congés payés durant des arrêts maladie par une salariée arrêtée sur plusieurs longues périodes pour maladie non professionnelle et pour accident du travail.

Question sur la constitutionalité des articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5° du Code du travail

Article L3141-3

« Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.

La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.».

Article L. 3141-5, 5°

« Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé : […] 5° Les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ».

La salariée reproche aux dispositions du Code du travail d’avoir pour effet de priver le salarié, en cas d’absence pour cause de maladie non professionnelle, de tout droit à l’acquisition de congé payé pendant la période de suspension de son contrat de travail et, d’autre part, de limiter à un an la période prise en compte pour le calcul des congés payés d’un salarié absent pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Il en résulterait, selon elle, une méconnaissance du droit à la santé et du droit au repos garanti par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (11e al.).

La salariée reprochait ensuite la différence de prise en compte des arrêts de travail pour l’acquisition des congés payés selon la nature de l’arrêt de travail (professionnel ou non professionnel). Il en résulterait, selon elle, une rupture du principe d’égalité garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (art. 6) et la Constitution du 4 octobre 1958 (art. 1).

Le Conseil constitutionnel rappelle qu’il a pour mission de vérifier que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectifs visé et qu’il n’a pas la responsabilité de vérifier si l’on pouvait atteindre l’objectif par une autre voie.

La Haute juridiction décide que les règles d’acquisition des congés payés pendant la maladie ne portent pas atteinte au droit au repos et à la santé garantis par la Constitution.

Le Conseil constitutionnel considère que la maladie professionnelle et l’accident du travail, qui trouvent leur origine dans l’exécution même du contrat de travail, se distinguent des autres maladies ou accidents pouvant affecter le salarié. C’est pourquoi, il considère que le législateur peut prévoir des règles différentes d’acquisition des droits à congé payé pour les salariés en arrêt maladie selon le motif de la suspension de leur contrat de travail.

La décision du Conseil constitutionnel n’est, juridiquement, pas contraire à la position de la Cour de cassation.

La Cour de cassation s’est prononcée sur la conformité du droit français avec le droit européen, le Conseil constitutionnel s’est prononcé, quant à lui, sur la conformité du droit français avec la Constitution.

Il n’en reste pas moins, qu’en pratique, cela manque d’unité et de clarté. Quid des congés payés ? On ne peut que conseiller aux employeurs de ne pas se jeter à corps perdus dans des régularisations, quitte à prendre un risque.

Le gouvernement a promis de réaliser un projet de loi en la matière pour adapter le droit français au droit européen.

Un nouveau rebondissement est donc attendu.

Affaire à suivre ….


[1] Cour de cassation, Chambre sociale, 13 sept. 2023, n° 22-17.340, n° 22-17.638, n° 22-14.043 et n° 22-11.106

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