Illustration de l’appréciation des critères permettant d’établir la distinctivité d’une marque

Vianney DESSENNE
Vianney DESSENNE - Avocat

Source : Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Ch. 2, arrêt du 17 septembre 2021

 

La société « Vente-Privée » organise depuis 2001 des ventes événementielles portant sur des produits proposés à prix réduits sur de courtes périodes via son site Internet www.vente-privee.com.

 

La société « Showroomprive.com » exerce depuis 2006 une activité en tous points identique et concurrente, via son site www.showroomprive.com.

 

Cette dernière a assigné la société « Vente-Privée » aux fins de voir annuler les marques semi-figuratives respectivement française et de l’Union européenne enregistrées en 2013 intégrant le logo suivant, constituant selon la demanderesse un dépôt frauduleux :

 

Il est ici rappelé qu’un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité.

 

Ainsi, la cause de nullité d’une marque déposée de mauvaise foi s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque a introduit une demande d’enregistrement de cette marque non pas dans un but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence mais avec l’intention de porter atteinte d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celle relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine.

 

Toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce.

 

L’un des principaux motifs invoqués tiendrait au fait que l’expression « vente privée » appartiendrait au langage courant et constituerait la désignation usuelle du service éponyme.

 

Dans son jugement du 3 octobre 2019, le TGI de Paris avait fait partiellement droit aux demandes de la société « Shomroomprive-com », annulant la marque dont l’enregistrement était contesté, considérant que cette marque n’avait pas acquis un caractère distinctif par l’usage.

 

En effet, pour contester ces demandes, « Vente-Privée » s’appuyait sur l’article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle suivant lequel « le caractère distinctif d’une marque peut être acquis à la suite de l’usage qui en a été fait ».

 

« Vente-Privée » interjetant appel de cette décision au motif qu’elle ne s’était aucunement appropriée l’expression générique « vente privée » libre pour les opérateurs économiques, laquelle se distinguait du signe semi-figuratif « vente-privée » déposé à titre de marque, la Cour d’appel de Paris a, par arrêt du 17 septembre 2021, réformé la décision querellée.

 

Pour ce faire, la Cour a considéré que :

 

  « L’enregistrement critiqué ne concerne pas l’expression générique “vente privée” mais le signe complexe composé de l’expression “vente-privée” accompagnée du dessin d’un papillon stylisé de couleur rose déposé pour distinguer les services » ;

 

En déduisant :

 

  « la société appelante avait un intérêt légitime à déposer la marque en cause afin de préserver ses droits en raison de l’usage continu qu’elle faisait du signe complexe en cause pour identifier les services qu’elle fournit et n’a pas procédé à ce dépôt pour nuire à un concurrent en le privant d’un signe nécessaire à son activité, étant relevé que le caractère distinctif de la marque en cause est conféré par le signe figuratif pris dans son ensemble et n’interdit pas aux concurrents d’utiliser l’expression “vente privée” dans son sens usuel ».

 

Se prononçant ensuite sur la distinctivité de la marque, la Cour précise au préalable que la marque dont la nullité est sollicitée est constituée d’un signe complexe composé de l’expression « vente-privée » et d’un élément figuratif représentant un papillon stylisé de couleur rose.

 

Ainsi, l’adjonction d’un papillon stylisé de couleur rose, qui ne peut être réduit à un élément décoratif, participe nécessairement à la distinctivité du signe pris dans son ensemble, la représentation de ce papillon étant parfaitement arbitraire au regard des services couverts par l’enregistrement de la marque.

 

C’est donc de manière assez logique que l’arrêt vient affirmer que l’association de l’expression « vente-privée » et de la représentation d’un papillon de couleur rose est perçue par le public comme apte à identifier les services désignés, comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces services de ceux d’autres entreprises.

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