Aux termes d’un arrêt rendu le 8 février 2024, la Cour de cassation, juge que le défaut de notification d’un mémoire préalablement à la saisine du juge des loyers commerciaux, constitutif d’une fin de non-recevoir, est insusceptible de régularisation par la notification d’un mémoire postérieurement à la saisine du juge des loyers.
SOURCE : Cass. civ 3ème, 8 février 2024, n°22-22301, FS – B
Les faits de l’espèce sont classiques : un congé avec offre de renouvellement emportant nouveau loyer est signifié au preneur, qui accepte le principe du renouvellement mais refuse le nouveau loyer proposé. Le bailleur saisit alors le juge des loyers commerciaux, sans avoir préalablement notifié à la partie adverse de mémoire préalable.
Quelques mois plus tard, le bailleur notifie à son locataire un mémoire préalable aux fins de régularisation de la procédure en fixation judiciaire du loyer de renouvellement. Le preneur conclut à l’irrecevabilité de son action.
La Cour d’appel déboute le bailleur de son action, qui se pourvoit alors en cassation.
La Haute juridiction a donc été amenée à se prononcer sur la recevabilité de l’action du bailleur en fixation judiciaire du loyer de renouvellement. Dit autrement, le défaut de notification d’un mémoire préalablement à la saisine du juge des loyers commerciaux, peut-elle être couverte et régularisée par la notification d’un mémoire postérieurement à la remise au greffe d’une copie de l’assignation délivrée au locataire ?
La Haute Cour rappelle tout d’abord, que le défaut de notification d’un mémoire préalable avant la saisine du juge des loyers commerciaux constituait une fin de non-recevoir[1], c’est-à-dire tout moyen tendant à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit à agir (défaut de qualité, défaut d’intérêt, prescription,..).
Par le passé, la troisième chambre civile avait admis que l’irrégularité de fond affectant la procédure en fixation du loyer, en l’absence de notification d’un mémoire, pouvait être couverte par la notification d’un mémoire régulier, tant que le juge ou la Cour d’appel n’avait pas statué[2], mais à la double condition (i) que la régularisation intervienne dans le délai de prescription biennale, et (ii) que la juridiction saisie n’ait pas encore statué[3].
Il est à noter que ces décisions ont été rendues au visa de l’article 121 du Code de procédure civile, dont il est rappelé pour mémoire les dispositions :
« Dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ».
En réalité, le régime des irrégularités pour vice de fond obéit à un régime identique à celui des fins de non-recevoir. Sur un plan procédural, les fins de non-recevoir :
- Peuvent être proposées en tout état de cause, c’est-à-dire à tout moment du procès (art. 123 du Code de procédure civile), sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief (art. 124 du Code de procédure civile) ;
- Peuvent être régularisées (art. 126 du Code de procédure civile, dont il est rappelé les dispositions pour mémoire : « Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue »).
Aux termes de l’arrêt commenté, après avoir rappelé les dispositions de l’article R.145-7 du Code de commerce, selon lequel le juge des loyers commerciaux ne peut, à peine d’irrecevabilité, être saisi avant l’expiration d’un délai d’un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi, la troisième chambre juge au visa de l’article 126 du Code de procédure civile précité, que le défaut de notification d’un mémoire avant la saisine du juge des loyers commerciaux constitue une fin de non-recevoir, insusceptible de d’être régularisée par la notification d’un mémoire « préalable », postérieurement à la remise au greffe d’une copie de l’assignation.
En d’autres termes, le défaut de notification d’un mémoire préalable à la saisine du juge des loyers commerciaux, ne peut être régularisé.
Il s’infère de ce qui précède que l’action du requérant est par conséquent irrecevable.
[1] En ce sens, Cass. civ 3ème, 3 juillet 2013, n°12-13780, FS – PB
[2] En ce sens, Cass. civ 3ème, 17 septembre 2008, n°07-16973, n°07-17362 FS – PB
[3] En ce sens, CA PAU, 24 juillet 2017, n°15/01919